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Quelques faits majeurs ont marqué cet été 2018 pour ce qui concerne la mobilité

Tout d’abord, la fin de Foodora en France, le 28 septembre prochain, interpelle. C’est d’abord une mauvaise nouvelle pour les 1500 coursiers répartis sur 8 villes, qui avaient misé sur cette plateforme. Cela reste bien sûr une bonne nouvelle pour ses concurrents, notamment Deliveroo et Uber Eats, de moins en moins nombreux et peut-être aussi pour l’image que l’on se fait de la ville et du dernier kilomètre. Pour nombre de spécialistes, ce n’est en tout cas pas une surprise. Le modèle économique de la livraison de repas en partant des restaurants est très compliqué. Ces plateformes vivent alors de levées de fonds, qui finissent pas décourager les actionnaires, même les plus téméraires. La variable d’ajustement est le prix de la course versé au livreur. La raréfaction des livreurs dans certaines villes a encore accentué les difficultés de Foodora. Avec un chiffre d’affaires de 6 millions € et des pertes de 10 millions €, l’équation était complexe.

 

Autre événement de l’été, l’ouverture sans inauguration de la nouvelle gare TGV de Montpellier. Echec annoncé, cette gare dont le coût est de 135 millions €, ne correspondait pas à un besoin, la gare actuelle venant tout juste d’être agrandie et modernisée. Elle correspond à un modèle d’il y a 30 ans, les gares loin des villes, accessibles en voiture. La mobilité nécessite de recentrer les déplacements sur des pôles d’échange, TGV, TER, autocars régionaux et transports en communs urbains, autocars interurbains. La ministre Elisabeth Borne l’a bien compris, en refusant d’inaugurer cette gare qui va à l’encontre des modèles porteurs de valeurs environnementales. Cet investissement critiquable dans une période de restrictions budgétaires, a fait les choux gras du Canard Enchaîné, qui dénonce la « gare égarée ».

La logistique urbaine a été marquée par les annonces du 20 juillet 2018. Les Zones à Faible Emission (nouveau nom des Zones à Circulation Restreinte) se développeront dans les grandes agglomérations françaises et la ministre Elisabeth Borne a fait l’annonce de l’intégration de la logistique urbaine dans la loi d’orientation des mobilités. Elisabeth Borne a également annoncé que le co-transportage de colis pourra se développer dans un cadre adapté. Nous attendons tous avec impatience cette loi fixant alors des orientations qui découlent des Assises de la Mobilité. L’impact environnemental du transport de marchandises nécessite d’être réduit et mieux maîtrisé, tout en accompagnant l’évolution des flux. Les solutions existent, de consolidation des flux, d’un meilleur partage des infrastructures, véhicules et espaces publics, de transition énergétique, de développement de la cyclologistique.

Une mauvaise nouvelle qui nous est parvenue il y a quelques jours seulement concernant la logistique urbaine, la suspension du service Bluedistrib. Remarquable modèle basé sur des consignes de proximité, Bluedistrib utilisait pour ses consignes parisiennes les bulles Autolib. L’arrêt d’Autolib a notamment eu pour conséquence de retirer ces emplacements au service Bluedistrib. Bluedistrib recherche d’autres solutions afin de remettre en service son réseau parisien de consignes au plus vite. Espérons que cet arrêt ne soit que temporaire et que ce « nouveau mode de ville » retrouve son élan.

Parmi les annonces de l’été, la démission de Nicolas Hulot n’a échappé à personne. Là aussi, ni une bonne ni une mauvaise nouvelle, mais en tout cas pas une surprise ! La mission était-elle impossible ? Le personnage n’était-il pas fait pour être ministre ? Ce blog a d’ailleurs écrit sur ce sujet et les difficultés rencontrées par Nicolas Hulot, pourtant disposant de très larges pouvoirs. Ce n’est évidemment pas une bonne nouvelle pour tous ceux qui attendaient beaucoup de ce militant porteur de messages forts et justifiés. Mais, contrairement à ce que nous entendons, son bilan ne restera pas dans l’histoire. Certes, sa principale action a été l’arrêt du projet d’aéroport de Notre-Dame des Landes. On peut aussi citer son action pour réduire la part du diesel, mais est-ce suffisant ? La France ne respecte pas ses engagements pris lors de l’accord de Paris et, Nicolas Hulot le dit lui-même, il faut faire beaucoup plus et beaucoup plus vite.

Nicolas Hulot n’a pas su s’opposer à la relance du programme autoroutier, à l’urbanisation galopante des terres agricoles, à l’importation massive d’huile de palme. Cette démission est alors une opportunité pour réellement changer de modèle. Arrêter les nouvelles autoroutes, réduire la part de la voiture individuelle (et pas seulement du diesel), freiner l’étalement urbain dans toutes les agglomérations, développer les mobilités douces, développer les actions de logistique urbaine. L’échec de Nicolas Hulot était malheureusement annoncé. Faisons-en alors une opportunité pour modifier la donne et intégrer l’environnement dans tous les secteurs : l’urbanisme, la mobilité, l’énergie, l’habitat, la biodiversité et évidemment la logistique urbaine !

Enfin, la publication d’une excellente lecture en téléchargement gratuit. « La logistique, fonction vitale », réalisée par l’Institut d’Aménagement et Urbanisme. A lire absolument. Il s’agit là d’un remarquable travail de recherche et de synthèse sur la logistique urbaine, centré sur les problématiques de la région Ile-de-France, réalisé par Muriel Adam et Corinne Ropital. Bonne lecture !

Les informations de l’été nous apprennent que les ministres prennent des vacances, comme nombre de français. Bretagne, Corse, notre Ministre d’Etat en charge de la transition écologique aurait pu choisir Saint-Nazaire, ou plus exactement Saint-Marc-sur-Mer. C’est en effet là qu’en 1953, il y a 65 ans, Jacques Tati trouve le cadre de son film culte.

Les dialogues de ce film sont rares, même inexistants. Juste quelques bribes de phrases simples nous restent en mémoire. « Oh un coquillage… » « les vacances au bord de la mer sont toujours agréables… ». Mais un des rares passages mérite notre attention estivale.

Le voyage à Saint-Nazaire s’effectue en voiture, mais sans prendre l’autoroute. Pour cause, le programme autoroutier français débutait tout juste et n’allait pas jusqu’à Nantes, qui ne sera irrigué par l’autoroute que bien plus tard, en 1981.

Durant ce film, le ministre d’état Durieux, s’adresse aux français sur un sujet tout autre que l’écologie, dont on ne parle pas encore en 1953… et ne désespère pas de « voir les français écarter l’accessoire pour s’unir sur l’essentiel ».


Nous sommes très proches du récent discours de Nicolas Hulot, qui a bien besoin de vacances, non pas pour faire le bilan de la première année de son action. Le Figaro, qui fait le bilan de son action, la résume en un point, pourtant loin d’être négligeable, l’arrêt de l’aéroport controversé de Notre-Dame-des-Landes…

Mais que s’est-il passé un an ?

La planète brûle. Nous nous en rendons compte tous les jours, avec plus de 41° dans le sud de la France. Mais aussi les dramatiques incendies en Californie.

La France décide de relancer le programme autoroutier. L’autoroute A304 dans les Ardennes est inaugurée. L’autoroute A9 à Montpellier est doublée, avec pas moins de 2 fois 6 voies, comme à Los Angeles ! La ministre des transports annonce un grand plan de 700 millions d’investissements dans les nouvelles autoroutes. Deux autres autoroutes au moins sont en débat. Celle du contournement est de Rouen, 41,5 km de nouvelle autoroute déclarée Utilité Publique et la nouvelle autoroute entre Lyon et Saint-Etienne.
Jacques Tati nous rappelle qu’il n’y a pas besoin d’autoroute pour rejoindre nos belles régions françaises, d’ailleurs souvent défigurées par les rubans de bitume, plus que par les éoliennes, qui font à nouveau débat (en France seulement).

Nous avons aussi appris que les territoires qui résistent notamment les centres-villes des villes petites et moyennes sont les villes enclavées. Celles qui sont magnifiquement desservies par les autoroutes souffrent plus que les autres, comme en Lozère. Les autoroutes accélèrent les déplacements, dont permettent le départ des activités économiques, des habitants et favorisent l’étalement urbain. Les habitants habitent de plus en plus loin de leur lieu de travail, générant alors de nouveaux flux et justifiant un doublement des autoroutes, comme à Montpellier…  Un cercle infernal. M. Hulot (Nicolas), arrêtez le massacre de la France !

Nous avons aussi appris qu’il n’y a quasiment plus de moineaux à Paris, un des symboles de la capitale, que les vers de terre disparaissent comme les abeilles. La biodiversité est en danger ! M. Hulot, agissez à votre niveau pour obtenir une réduction rapide de l’utilisation des produits chimiques et autres glyphosate ! Comment avez-vous pu accepté que l’on importe 300 000 tonnes d’huile de palme, dont nous connaissons les désastres sur la biodiversité dans les pays producteurs ? Si la France ne montre pas l’exemple, qui le montrera ?


Nous avons appris que la France consomme tous les 10 ans l’équivalent d’un département français en urbanisation. Ne nous étonnons pas des inondations à venir, inévitables… Le projet Europacity, qui vise à consommer les dernières terres agricoles proches de Paris (300 hectares) pour construire une piste de ski dans une bulle, est-il alors raisonnable ? M. Hulot, agissez avant qu’il ne soit trop tard sur ce sujet. Comment parler d’agriculture urbaine alors que nous bétonnons nos dernières terres ?

Nous avons appris que le plan vélo est repoussé. Pourtant, nous savons tous que le développement de la mobilité à vélo, tant pour le transport de personnes que de marchandises, est une solution locale à de nombreux déplacements. La plupart des villes d’Europe ont orienté les investissements publics pour développer ce mode de déplacement, pas encore la France, ou si peu. Même l’Italie, pourtant le symbole du scooter, est passée à la pratique du vélo, comme c’est le cas à Milan.

M. Hulot, vos discours sont justes mais ce n’est pas seulement des discours que nous attendons d’un ministre.
Les vacances sont pour tous un moment de repos, du corps et des idées. Elles constituent un moment de réflexion, de bilan, mais aussi de projets pour les semaines et mois à venir.

Le 20 juillet, jour même de l’annonce des mesures essentielles de la future loi sur les mobilités, à l’exception du plan vélo, reporté à l’automne, la ministre Elisabeth Borne inaugurait… une autoroute.

Hasard du calendrier, clin d’œil au lobbying pro-voiture et pro-diesel, clin d’œil aux années 1970 ?

L’autoroute A 304, de 31 km de long, est prévue pour accueillir 16 à 20 000 véhicules par jour, dont 25% de véhicules poids-lourds. Son coût ? 483 millions €. Son objectif affiché : pouvoir relier Marseille à Rotterdam de manière ininterrompue (source Conseil départemental des Ardennes).

Cette autoroute est évidemment gratuite pour l’usager…

L’Est Républicain nous précise d’ailleurs que, grâce à cette autoroute, les nord meusiens pourront rejoindre l’aéroport de Charleroi. Les habitants de Charleville ne seront ainsi, par la route bien entendu, qu’à une heure de l’aéroport de Charleroi.

Le Président du Conseil Départemental des Ardennes nous indique que « Cette ouverture de l’A304 est extrêmement importante pour les Ardennes, en terme d’attractivité et de désenclavement ».

La ministre Elisabeth Borne, écrit alors un Tweet mentionnant « Très heureuse d’inaugurer cet après-midi les 31km de l’#A304, un projet tant attendu pour le désenclavement des #Ardennes et la qualité de vie au quotidien des habitants. »

Nous pouvons nous étonner de ces discours et choix d’investissements, pour des montants considérables alors même que la France est pointée du doigt par Bruxelles pour non-respect de ses engagements en matière d’émissions de dioxyde d’azote.

Faut-il encore, au 21ème siècle construire des autoroutes alors que nous souhaitons tous une transition énergétique vers des modes de déplacements plus adaptés aux engagements pris de réduction des émissions de GES ?

Faut-il créer des axes routiers gratuits afin de se rapprocher des aéroports ?

Plus grave, le message de la ministre Borne parlant d’autoroute qui aide le désenclavement des territoires nous rappelle le discours d’inauguration de l’autoroute A6 par le président Pompidou en 1970, il y a 48 ans.

Louis Pradel, maire de Lyon, nous disait, dans un discours bien connu « et maintenant, Lyon est prêt à recevoir 200 000 véhicules par jour san provoquer de bouchon… ».

Faut-il comme le disait si bien Georges Pompidou, se « boucher les yeux » devant l’évidence ? « L’autoroute doit être continue, doit être ininterrompue, c’est sa première caractéristique » L’autoroute doit rejoindre les réseaux routiers étrangers ». L’autoroute est un élément de création économique ». Pour ceux qui ne l’ont pas en tête, écoutez ce magnifique discours d’inauguration, d’ailleurs très proche sur les messages de celui de l’inauguration de l’A304. 

Avec 48 ans de décalage, nous avons toutefois appris que

  • les autoroutes ne servent en aucun cas à désenclaver les territoires. Les seules villes petites et moyennes qui ne souffrent pas actuellement (à l’exception des villes touristiques) sont justement … les villes enclavées.
  • Les autoroutes favorisent l’étalement urbain, notamment lorsqu’elles sont gratuites, comme c’est le cas de l’A304. Or l’arrêt de l’étalement urbain (nous consommons tous les 10 ans l’équivalent d’un département en urbanisation) constitue un enjeu majeur.
  • Les autoroutes ne raccourcissent pas les déplacements mais les multiplient en les facilitant.

Madame la Ministre, votre message est malheureusement décalé par rapport à notre époque. Il nous renvoie à l’époque de l’essence pas chère, de la recherche de liberté grâce à l’automobile, du désintérêt ou absence de prise de conscience sur les problèmes environnementaux. En somme à une autre époque…

Nous aimerions que, comme dans d’autres pays les Ministres se déplacent pour inaugurer … des autoroutes à vélo.