Archive d’étiquettes pour : espace logistique urbain

Entre politiques de décarbonation et revitalisation des centres, les
métropoles réinventent l’équation logistique urbaine

En 2025, toutes les métropoles ont mis en place des politiques d’apaisement
des centres villes, souvent accompagnés de mesures réglementaires. Cette
révolution silencieuse bouleverse les codes du transport urbain de
marchandises. Car si les villes se métamorphosent pour devenir plus durables,
les flux B2B, eux, ne peuvent attendre.
Dans cette équation apparemment impossible, une nouvelle génération de
transporteurs spécialisés émerge. Leur défi : réconcilier l’urgence opérationnelle
avec les exigences d’une ville en mutation.

Les villes orchestrent leur métamorphose urbaine

La transformation s’inscrit dans une stratégie coordonnée réduction des
émissions de Gaz à Effet de Serre, revitalisation économique et reconquête de
l’espace public. Toutes les villes se saisissent de ces objectifs et mettent en
place des réglementations contraignantes, notamment sur les véhicules diesel.
Les villes innovent : l’Hôtel de Logistique Urbain de Lyon Gerland, avec ses 30
000 m², incarne cette co-construction. Les politiques dessinent un nouveau
paysage : piétonnisation, hubs logistiques, créneaux dédiés, électrification aidée.

La fin du modèle « stock de sécurité »

Ces transformations déclenchent un effet domino. Les stocks s’éloignent de
300 mètres par an des centres. Le foncier hors de prix pousse l’externalisation
vers la périphérie.
Conséquence : sans buffer, chaque livraison devient critique. Pharmacies,
commerces, bureaux fonctionnent en flux tendus. L’urgence devient une
réponse vitale à des approvisionnements éclatés. 60 % des livraisons urbaines
sont effectuées par coursiers.
Le transport urgent devient stratégique

Le transporteur spécialisé devient partenaire stratégique. Le dernier kilomètre
concentre 30 % des coûts logistiques et 53 % de l’empreinte carbone. Ces flux
exigent une expertise pointue : accès, créneaux, réglementation, multimodalité.
Cette spécialisation s’accompagne d’exigences de traçabilité et fiabilité. Les
entreprises recherchent des garanties de service sans faille, quelles que soient
les contraintes.
L’innovation public-privé au service de la performance

Face aux défis, une logistique « à étages » émerge : hubs en première couronne
pour la consolidation, micro-hubs de quartier pour la proximité. Cette approche
réconcilie massification périphérique et capillarité urbaine.
Les exemples se multiplient : Lyon impose 50 % de véhicules décarbonés, Paris
développe des entrepôts verticaux. L’innovation intègre modes de transport,
créneaux et outils digitaux pour optimiser et tracer.
Les métropoles mondiales montrent la voie
Tokyo gère sa densité par des micro-espaces réglementés. Bruxelles intègre
des nano-hubs. New York déploie un « curb management » sophistiqué. Ces
expérimentations convergent : mieux intégrer la logistique dans les politiques
publiques.
L’intégrateur, nouveau maillon critique de l’économie urbaine
Le transporteur évolue vers l’orchestration de chaînes complexes. Il coordonne
les flux, centralise les données, garantit la continuité et assure la traçabilité.
Cette expertise devient un avantage concurrentiel décisif.

Vers une réconciliation durable
L’équation urbaine n’est plus impossible. Elle exige innovation technologique,
intelligence territoriale et excellence opérationnelle. Les entreprises maîtrisant
ces dimensions disposeront d’un avantage décisif.
Cette transformation ouvre des opportunités : services réactifs, empreinte
réduite, collaboration locale. La logistique ne subit plus la ville, elle la co
construit. L’enjeu : réconcilier performance et durabilité dans une métropole
productive et désirable.

Cet article a été co-écrit avec Jérôme Libeskind, expert en logistique urbaine,
dans le cadre du webinaire « Transport urgent et de précision dans la ville de
demain » organisé par Topchrono

Replay du webinar : transport urgent dans la ville de demain, comment les professionnels peuvent ils garantir la performance de leurs flux critiques ?

 

Sources citées :
HAL Sciences – « Zones à faibles émissions-mobilité en France en 2024 »
Statistiques du développement durable – « Le parc de véhicules au 1er janvier 2024 dans
les territoires ZFE »
LPA Lyon – « Logistique urbaine à Lyon : des solutions innovantes pour une ville plus
durable »
France Mobilités – « Hôtel logistique urbain (HLU) au port Edouard Herriot »
Les Palettes Urbaines – « Chi res Clés et Statistiques de la Logistique Urbaine en France »
Topchrono – « Marché du transport dernier km : quelles tendances »
Douze Point Cinq – « Logistique urbaine durable : enjeux et défis du dernier kilomètre »
Techniques de l’Ingénieur – « Les chi res : données et statistiques de la logistique
urbaine »

Afin de développer des solutions de livraison en modes doux pour les grandes agglomérations, il est indispensable de disposer d’Espaces Logistiques Urbains au cœur de la zone dense. Une des problématiques est de trouver ces espaces. La logistique n’est souvent pas une priorité. Elle attire des flux de camions, de marchandises. Pourtant, les ELU assurent une fonction indispensable à la ville. Le transfert de camions vers des modes doux permet ainsi de mettre en place des tournées en petits véhicules électriques ou vélocargos. La proximité du site de la zone de livraison permet alors au livreur d’effectuer facilement plusieurs tours dans la journée.

Toutes les grandes agglomérations sont concernées par cette difficulté, à commencer par Paris.

L’ouverture d’un nouvel Espace Logistique Urbain est alors un événement. La start-up B-Moville, spécialisée dans la livraison du dernier kilomètre en vélocargos, vient tout juste de mettre en service un micro-hub de 160 m² au cœur même de Paris, dans le 14ème arrondissement.

Accessible avec des Véhicules Utilitaires jusqu’à 20 m3, ce micro-hub est spécialisé dans la livraison en vélocargos. Il possède également plusieurs espaces permettant d’accueillir de façon privative des petits stockages de proximité. Ainsi, une entreprise peut mettre en place un petit stock local et confier la livraison à une flotte de livreurs en vélocargos. Une solution unique à côté de Denfert-Rochereau.

B-Moville assure déjà un certain nombre de livraisons quaotidiennes au départ de ce site, à destination de la moitié sud de Paris.

Avec ce micro-hub, B-Moville nous montre une des évolutions que doit avoir la logistique urbaine en affectant, dans chaque quartier, des espaces à cette activité essentielle. Merci à Camilo Sanchez, fondateur de cette très belle start-up, pour cette découverte !

La SITL 2018 a été marquée par un programme très complet de tables-rondes autour de la logistique urbaine. Les 4 tables-rondes organisées, animées par Jérôme Libeskind et Bruno Durand, ont constitué des temps forts de cet événement.

La première table-ronde : livraison dans l’heure ou livraison à l’heure a été l’occasion de confronter les modèles de livraison instantanée. Pourquoi nous faisons-nous livrer immédiatement, quels sont les besoins ? Une question pertinente de la salle nous interpellait. Ne pouvons-nous pas nous faire livrer plus lentement afin de mieux consolider les livraisons et livrer plus propre ? Cette question pertinente reste toutefois décalée par rapport aux pratiques. Laetitia Dablanc (IFSTTAR) nous expliquait que les livraisons instantanées représentent déjà 3 à 5% des flux à Paris mais 10% à New York. Colisweb nous a exposé ses différents modèles déjà déployés dans 30 villes, en ship-from-store au départ des magasins ou des drives. Star’s Service nous a expliqué que ces livraisons rapides font partie du modèle de l’entreprise, qui souhaite toutefois le maintenir son schéma d’emploi de CDI, certes plus cher que le modèle d’autoentrepreneur, mais plus stable et gage de qualité. Arnaud Marlois (Fleeters) a développé une application qui s’adresse aux distributeurs, pas seulement dans les grandes métropoles. Stéphane Tuot (Franprix), a expliqué l’enjeu de la livraison instantanée pour un distributeur, afin de faire face aux grands e-marchands. Franprix a toujours été innovant en termes de services au consommateur et la livraison instantanée en fait partie.  Trouver un équilibre entre modèle social, environnemental et réponse au besoin d’instantanéité du consommateur est un vrai défi, au cœur des problématiques de la logistique urbaine.

La seconde table-ronde traitait des enjeux de la data dans le dernier kilomètre. Il y a fort longtemps que le transport ne se limite pas à des activités de mouvement physique des marchandises. La data est au cœur de toutes les préoccupations. Elle concerne par exemple le modèle des plateformes d’intermédiation, en plein développement. Elisabeth Charrier (FNTR) nous a expliqué la position de la profession visant à ne pas rejeter ces plateformes, qui constituent un progrès technologique, mais à garantir une confidentialité des données et à ne pas entrer dans un schéma de dépendance. Michel Leclerc, avocat spécialisé dans les plateformes et l’économie collaborative (Parallel avocats), nous a rappelé le cadre juridique de ces plateformes, qui pour beaucoup d’entre elles ne sont pas commissionnaires de transports et nous a expliqué l’état des débats européens sur ce sujet. Eric Petit (Ecologie Logistique), nous a expliqué son travail afin de géolocaliser les flux d’un messager et les enjeux de l’optimisation des flux pour un transporteur. Xavier Hua (Institut du Commerce) nous a brièvement rappelé les travaux qui ont été effectués sur l’ultramutualisation et leur possible application pour la logistique urbaine. Isabelle Bardin a insisté sur le manque de données fiables à l’échelle d’un territoire urbain, permettant de simuler de façon optimale les flux de marchandises. Isabelle Bardin a également évoqué le sujet des CDU, basé sur les échanges de données entre transporteurs afin de regrouper les livraisons. Le bilan des CDU en France reste mitigé. Enfin Stéphane Cren (GS1) nous a présenté les tous derniers travaux de GS1 sur la mutualisation des flux et les prises de rendez-vous.

  

Jeudi 22 mars, la 3ème table-ronde de ce programme était centrée sur les expériences suisses et allemandes en logistique urbaine. Le benchmark international est indispensable afin de partager la connaissance et progresser dans les solutions. Matthias Hormuth (PTV group) nous a expliqué l’implication du groupe PTV dans la mise en œuvre d’outils afin d’optimiser la logistique urbaine, notamment pour les livraisons en cargocycles. Ville Heimgartner (Imagine Cargo) nous a présenté le modèle de cette entreprise, déployée en Suisse, Allemagne et Autriche visant à livrer les villes en vélocargos et utiliser, pour les trajets importants, des conteneurs positionnés dans les trains régionaux. Harry Salamon (Mercedes Benz) nous a expliqué l’expérience réalisée à Zürich de collecte de produits en drones et atterrissage du drone sur un véhicule Mercedes afin d’effectuer le dernier kilomètre. Samuel Denaes (Kratzer automation) nous a expliqué l’intérêt du TMS développé afin d’optimiser les flux en ville.

La dernière table-ronde de ce cycle, dont le vaste sujet couvrait les drones, robots de livraison et cyclologistique, a probablement été celle qui a attiré le plus grand public. Jean-Luc Defrance (Geopost) nous a expliqué comme le drone peut être un moyen efficace de livraison dans des zones reculées. La technologie du drone évolue très vite et les obstacles naturels (vent, pluie, altitude, port de charge) deviennent de moins en moins contraignants. Par contre, la réglementation reste complexe, notamment en milieu urbain. Vincent Talon (TwinswHeel) nous a expliqué que le droide développé, déjà en service, peut permettre de réduire les coûts de la livraison, tout en restant 100% propre. Bruno Durand a souligné que les matériels présentés ont tous leur place en ville, avec toutefois des segments et des utilisations différentes. Xavie Laÿ (Bluedistrib) nous a exposé les multiples modèles de Bluedistrib, notamment l’utilisation des consignes afin de recharger des scooters électriques ou comme micro-espace logistique urbain. Francisco Luciano, longuement applaudi, nous a expliqué avec passion l’efficacité des modèles de cyclologistique afin de livrer les villes. Le vélo n’est pas du marketing en logistique, les avancées technologiques permettent de mettre en place des modèles logistiques pertinents avec des biporteurs, des vélos remorques, des cargocycles ou des quadricycles. Francisco Luciano nous a présenté un vélo (donc moins de 250 w) avec 6 roues, permettant d’augmenter la charge. La cyclologistique n’en est qu’à ses débuts et constituera sans aucun doute une solution pour les centres villes, à condition de disposer d’espaces logistiques de proximité permettant d’effectuer la rupture de charge.

  

Merci à tous les intervenants à ces tables-rondes, qui ont accepté de partager leur connaissance, leur expérience et échanger avec la salle sur les différents modèles.