Archive d’étiquettes pour : dernier kilomètre

Les darks stores et dark kitchens apparaissent depuis quelques temps dans les grandes villes. S’ils répondent à un besoin de service, ils impactent aussi la ville sur les plans environnemental et social. Faut-il les interdire ou mieux les réguler ?

Avec des budgets de communication considérables, les enseignes aux noms évocateurs, prononçables dans le monde entier, à l’image des opérateurs de trottinettes en libre-service, envahissent les supports publicitaires des grandes villes. Tout nous est promis en quelques minutes seulement : des repas, des courses alimentaires, des produits d’hygiène et d’entretien. Derrière ces services alléchants se cachent des modèles immobiliers, logistiques et sociaux que nous allons essayer de décrypter.

La livraison à domicile a 150 ans

Ayons tout d’abord un regard historique sur ces tendances. La livraison à domicile n’est pas nouvelle. C’est en 1870 que Félix Potin décide, à Paris, de livrer des produits alimentaires à domicile au départ de ses deux magasins. Il n’y a donc rien de nouveau, hormis la vitesse. Nous allons y revenir.

Les restaurants et supermarchés sont conçus pour recevoir des clients. L’évolution rapide des tendances de consommation, accentuée par la récente crise sanitaire, a mis en exergue la livraison à domicile. Nombre de consommateurs, notamment les plus jeunes, considèrent comme un service habituel de rester chez soi et de se faire livrer.

Mais préparer les commandes au départ d’un restaurant ou d’un point de vente est complexe, onéreux et désorganise souvent le fonctionnement interne du commerce. L’idée apparue aux Etats-Unis en 2016 est de créer des espaces dédiés aux livraisons. Pour les repas, il s’agit de cuisines centrales, qui accueillent des restaurateurs. Pour les courses alimentaires, ce sont des petits entrepôts de proximité. Les dark kitchens et dark stores sont nés. Certains modèles disposent de comptoirs de click & collect permettant aux consommateurs de se déplacer pour retirer leur commande. Ces espaces sont conçus pour leur usage : efficacité, productivité, organisation logistique adaptée. Ces métiers ont découvert la supply chain.

Quelles conséquences sur la ville ?

Pourtant, ces modèles attractifs désorganisent le fonctionnement de la ville et créent plus de nuisances que de service.

Sur le plan logistique, le principal problème est la vitesse. Le délai de quelques minutes ne permet pas de consolider les livraisons. Les dark stores et dark kitchens génèrent une multitude de petits véhicules, parfois des vélos mais de plus en plus souvent des 2 roues motorisés, qui livrent chacun une seule commande. La conséquence est une occupation importante de l’espace public avec des livraisons mal optimisées.

D’un point de vue sécuritaire, ces livraisons individuelles et rapides augmentent les risques. Livrer en quelques minutes se traduit souvent par des véhicules qui respectent peu le code de la route, les feux, les distances. Les livreurs prennent des risques afin de pouvoir respecter les promesses clients.

Sur le plan environnemental, ces livraisons se traduisent par une augmentation de la pollution, des émissions de Gaz à Effet de Serre, du bruit. Mais elles se traduisent aussi par une surconsommation d’emballages de toute sorte, de barquettes, sacs, couverts, la plupart du temps en plastique.

D’un point de vue sociétal et social, les dark stores et dark kitchen nuisent à la vie de quartier et sont souvent associés au « commerce de la paresse ». La fragmentation des flux se traduit par des valeurs assez faibles de panier moyen qui ne peuvent pas supporter des prix élevés de livraison. Les modèles économiques de ces plateformes reposent alors sur des rémunérations faibles des livreurs et des modèles sociaux dégradés.

Faut-il interdire les dark stores ?

Nous ne sommes pas dans une époque d’interdiction, mais de régulation. La régulation s’opère d’abord par le marché. Certains acteurs de dark stores ont déjà disparu, faute de modèle économique. D’autres ont décidé d’allonger les durées de livraison afin de pouvoir réaliser des mini-tournées. La solution du modèle économique se trouve donc dans le délai promis.

Les plateformes occupent un espace immobilier mais aussi l’espace public urbain. Il serait donc normal qu’elles participent financièrement à l’occupation des voies de circulation, des trottoirs.

La régulation est aussi sociale. Si certains pays ont fait le choix d’une dérégulation sociale, nous n’aspirons pas en France à ce modèle et devons mieux responsabiliser les plateformes afin que les emplois soient des emplois de professionnels de la livraison, formés, rémunérés en conséquence.

Enfin, le sujet des emballages est essentiel. Nous ne pouvons pas accepter le développement anarchique de modèles de consommation générant autant d’emballages jetables alors que nous défendons des lois limitant ces mêmes emballages. Il y a donc de nouvelles pratiques à trouver comme les emballages réutilisables.

Les darks stores et dark kitchens doivent donc faire évoluer leur modèle afin de le rendre mieux adapté à la ville et aux aspirations de ses habitants.

La rentrée, c’est l’occasion de faire le tri dans les mails et les news. Pendant un moment, nos préoccupations n’étaient pas, fort heureusement, dans les posts et news quotidiennes. Nos écrans étaient en pause, au moins une partie de la journée. Mais que s’est-il passé durant cet été pour ce qui concerne la #logistiqueurbaine ? Cet article décrypte les principales informations à ne pas manquer !

La livraison a un prix

C’est probablement une des bonnes nouvelles de l’été. Amazon Prime a annoncé une augmentation de 42% du prix de son abonnement. Cette nouvelle, si elle peut être perçue comme négativement par le consommateur, surtout en période d’inflation, montre que tout ne peut pas être gratuit. Le transport, notamment dans les grandes agglomérations, représente pour les distributeurs un coût important. Les obligations progressives d’équiper les flottes en véhicules propres ont aussi un coût qui sera nécessairement intégré. D’autres distributeurs ont récemment pris des décisions dans ce sens pour facturer les livraisons des retours, par exemple Zara ou H&M.

Dark stores – dark kitchens : l’imbroglio de l’été

Après les annonces fracassantes du mois d’août faisant état d’une légalisation des dark stores sous réserve d’avoir un simple point de retrait, ceci sous la forme d’un décret ministériel, il semble que le discours évolue. Les interventions des nombreux maires, dont ceux de Paris, Nice, Marseille, Lyon, Besançon ou Villeurbanne ont eu pour effet l’annonce (ou le rappel) d’une concertation donc l’objectif est de permettre aux maires de réglementer leur territoire. Il faut probablement se donner le temps d’encadrer ces nouveaux modes de commerce mais aussi d’éviter que ces modes de consommation de livraison instantanée, très critiqués pour leur impact social et environnemental négatif, se développent au détriment de la qualité de vie dans les centres-villes. A l’Etat de prendre la mesure des enjeux. La logistique urbaine vise à mieux consolider les flux et pas à les déstructurer ou les fragmenter.

Et pourtant, certains e-marchands ont compris qu’il faut livrer plus lentement !

Les e-marchands suisses Galaxus et Digitec ont choisi de prendre le contre-pied du quick commerce. Ils proposent dorénavant une option « livraison plus lente ». Le temps permet à l’e-marchand de mieux s’organiser et de lisser son activité. Mais il permet aussi de mieux consolider les livraisons. La livraison la plus lente est alors la plus verte !

Amazon freine ses investissements dans la logistique

Cette annonce concerne pour le moment les Etats-Unis. Fléchissement de l’activité durant le 2ème trimestre, inflation et coûts énergétiques sont probablement à l’origine de cette annonce, qui se traduit pour le moment par un arrêt de la croissance effrénée du parc immobilier de l’entreprise, qui ne l’oublions pas, a connu une très forte progression en 2020. Un sujet à suivre…

La logistique urbaine attire les investisseurs

En nécessitant des surfaces en proximité des centres-villes, la logistique urbaine devient un produit immobilier en tant que tel. Sogaris, opérateur historique sur ce segment, a annoncé durant l’été une levée de fonds de 150 millions € afin d’accompagner son développement.

D’autres acteurs affichent leurs ambitions. Altarea, groupe présent dans l’immobilier commercial, mais aussi le logement et l’immobilier d’entreprise, a annoncé une prise de participation dans Corsalis, qui vient de louer son premier espace logistique urbain parisien, de 4500 m², à La Belle Vie.

La Ville de Paris se dote d’une nouvelle stratégie de logistique urbaine

Après les chartes de 2006 et 2013, la Ville de Paris décide de revoir ses orientations de logistique urbaine. Plusieurs axes sont développés dans cette stratégie, notamment la place de la logistique dans l’espace public parisien et la logistique des chantiers. Cette stratégie 2022-2026 permettra aussi de mobiliser des solutions foncières afin de permettre le développement de solutions de livraison consolidées et décarbonées.

A Strasbourg, Geodis fait le choix de la logistique multimodale

Geodis a finalisé un partenariat avec la startup ULS afin de livrer le centre de la capitale alsacienne en vélocargo. 4 camions seront ainsi remplacés par 17 vélocargos qui assureront la livraison de 15% des flux de Geodis à Strasbourg. Une initiative à suivre !

VNF lance un appel à projets à Toulouse et le trafic progresse sur la Seine

VNF a pris l’initiative durant l’été de lancer un appel à projets afin de trouver un opérateur sur le site fluvial de Lalande, à Toulouse. Fortement soutenu par les initiatives gouvernementales, le fret fluvial retrouve une certaine croissance, notamment sur le bassin de la Seine. Les chiffres publiés par VNF font état d’une croissance en tonnes-kilomètres de 8,2% sur un an. Matériaux de construction, chantiers des Jeux Olympiques, travaux du RER, les initiatives ne manquent pas pour mieux utiliser ce mode de transport massifié.

A Caen, la logistique urbaine est une réalité

La Communauté Urbaine de Caen-la-Mer a lancé un appel à projet afin d’exploiter un espace logistique urbain situé à proximité du centre-ville. Cet appel à projet est la continuité d’une étude de logistique urbaine confiée au groupement Samarcande – Logicités – ELV Mobilités afin d’effectuer un diagnostic logistique de l’agglomération, comprendre son fonctionnement et aboutir à des solutions opérationnelles. Date limite de remise des offres le 13 septembre !

Lille structure son offre d’immobilier pour la logistique urbaine

Le groupe APRC a fait le choix d’investir à Roubaix, sur le site historique de la Lainière, en friche depuis de nombreuses années. Ce site très divisible a pour but de cibler des besoins de livraison du dernier kilomètre pour l’agglomération lilloise. Ce site avait fait l’objet d’une étude pour le compte de la Métropole Européenne de Lille à laquelle Logicités et ELV Mobilités avaient participés.

D’autres projets de logistique urbaine, plus proche de l’hyper centre lillois, apparaissent afin d’accueillir les activités de livraison du dernier kilomètre. Corsalis met ainsi sur le marché un nouvel espace dans le cœur de Lille. Nul doute que cet espace de 2000 m² dans le quartier Moulins, facilement accessible, trouvera rapidement preneur.

Les transporteurs investissent dans des flottes propres

Durant l’été, plusieurs annonces de transporteurs ont marqué l’attention des spécialistes. Le groupe GLS a fait le choix de livrer Bayonne et Biarritz avec un e-scooter Tripl. Ce choix est la continuité du développement d’une flotte décarbonée dans différentes villes, notamment Montpellier et Toulouse. Durant l’été, le groupe Star Service a ainsi annoncé une commande de 200 nouveaux véhicules électriques, majoritairement des e-Jumpy.

Les aides pour l’achat de vélocargos augmentent

Autre bonne nouvelle de l’été, l’annonce par le Ministère de l’Economie de l’augmentation du bonus écologique pour l’acquisition de vélos et notamment vélocargos et remorques. Il est fixé à 40% du prix du vélocargo avec une limite de 1000 €. Une excellente opportunité pour se poser la question de l’utilisation de ce mode de transport de marchandises.

Deux articles de fond à lire absolument 

Le blog Bigmedia publié par BPI France publie un article sur le défi de la logistique verte, pour l’Etat, les entreprises et les consommateurs. Jérôme Libeskind est interviewé à cette occasion. Un autre article à découvrir, celui de l’INRS dans le cadre d’un dossier sur la prévention dans le secteur de la logistique face aux défis de la modernité. Laetitia Dablanc nous fait un état de l’art sur les risques et enjeux de la livraison du dernier kilomètre.

Enfin, et pour terminer ce point de rentrée, certes probablement incomplet, n’oublions pas que de très bonnes idées de logistique urbaine pourront être trouvées dans l’ouvrage publié en 2021 “Si la logistique m’était contée”, disponible sur la boutique web de ce site.

3 conférences logistique urbaine seront animées sur la SITL 2022 Paris Nord Villepinte par Jérôme Libeskind.

Le 5 avril à 15, une conférence sur les nouvelles tendances de commerce alimentaire et livraisons urbaines réunira Star Service, Carrefour, Delipop et Califrais / Rungis market.

Cette conférence vise à mieux comprendre les attentes des destinataires en termes de services (particuliers et professionnels) mais aussi de comprendre quels sont les dernières tendances. S’agit-il d’une livraison instantanée, rapide ou plutôt de modèles de point de retrait ? Comment les contraintes environnementales dans les grandes métropoles sont-elles prises en compte par les acteurs du transport et de la distribution ?

Le 6 avril à 10h, Jérôme Libeskind animera une seconde conférence sur la logistique urbaine dans les villes moyennes et les métropoles intermédiaires. Quelles sont les problématiques et les solutions dans ces territoires ? La logistique urbaine est souvent associée à Paris et aux très grandes métropoles. Pourtant, les autres agglomérations et centres villes sont aussi confrontés à des problématiques de compréhension des flux de marchandises et de verdissement des cœurs de villes. Interviendront lors de cette conférence la Ville de Dinan, Grand Besançon Métropole, mais aussi les triporteurs Malouins et Watea. Une conférence à ne pas manquer !

Le 7 avril à 13h45, la troisième conférence du cycle logistique urbaine concernera la réduction des emballages e-commerce. Quels sont les problèmes ? Quelles sont les bonnes pratiques, les solutions les plus innovantes ? Comment les transporteurs s’impliquent dans ces démarches ? Cette conférence permettra de recueillir les témoignages de TLF, L’intendance, Hipli, Université Gustave Eiffel et DS Smith.

Ces conférences seront sans nul doute des temps forts de la SITL 2022 !