Archive d’étiquettes pour : dernier kilomètre

Le cabinet Nielsen a récemment publié une étude indiquant que le nombre de drives en France a dépassé les 4000. Sur ce chiffre d’exactement 4036 drives alimentaires, 3148 sont des click & drive, c’est-à-dire des espaces dédiés avec des pistes de stationnement et chargement. Ce sont des espaces accolés aux magasins ou « solo », c’est-à-dire des drive-entrepôt sans magasin. Ce modèle de retrait, créé en France il y a seulement 17 ans, par Auchan à Leers, continue à se développer au rythme de 5 par semaine, malgré un phénomène proche de la saturation.

Il commence à s’étendre à d’autres segments que l’alimentaire, comme les jardineries, le bricolage, les fruits & légumes, le jouet ou le B to B (fournitures de bureau, produits de bâtiment, etc.).

Ce modèle de retrait e-commerce correspond aux besoins des particuliers actifs, se déplaçant quotidiennement en voiture. Le modèle du drive est par nature périurbain. A quelques exceptions près, comme le Carrefour Market rue de Lyon à Paris, les drives n’existent pas en milieu urbain dense.

Pourtant, les consommateurs ont les mêmes besoins de gain de temps, commande à distance, facilité de retrait. L’achat des courses alimentaires reste souvent une corvée. Nous sommes bien loin de « l’achat plaisir » lorsqu’il s’agit des courses quotidiennes ou hebdomadaires. La principale différence de mode de vie entre les habitants urbains et des péri-urbains est la mobilité. 62% des parisiens n’ont pas de véhicule. Sur l’ensemble de l’Ile-de France, ce sont 33% des habitants qui ne sont pas véhiculés. Cette tendance n’est pas uniquement parisienne. Les ménages non véhiculés concernent toutes les grandes villes : 42% à Lille, 37% à Strasbourg, 34% à Nice… Il est fort probable que ce taux augmente avec le développement de solutions d’autopartage, de mobilité douce et de transports en commun.

Les grands distributeurs s’interrogent alors sur leur façon de réinvestir la ville, les cœurs urbains denses, dans lesquels vivent une partie de leurs clients potentiels.

La tendance la plus visible est celle des petits formats de vente urbains, qui se développement dans les grandes métropoles à un rythme soutenu, proche de 10% par an. Ces petits formats, souvent avec des espaces snacking, proposent des assortiments assez limités mais très orientés foodtech : jus d’orange frais, produits prêts à consommer ultra-frais, plats préparés, produits bio,  espace de consommation sur place.

Les principales enseignes sont Carrefour, Auchan, Monoprix, Franprix, mais aussi Intermarché.

Mais ces formats ne correspondent pas nécessairement à la problématique des courses hebdomadaires.

Ce secteur est la cible privilégiée des supermarchés online, tels Auchandirect, Ooshop ou Houra, qui ne proposent pas nécessairement leur service dans toutes les agglomérations.

Plusieurs modèles récents, basés sur le principe du drive piéton, semblent émerger.

Carrefour avait fait une tentative en 2013 en testant le modèle dans le Carrefour Market de la gare St-Lazare. Auchandirect avait, en 2014 ouvert un espace de retrait dédié rue Saint-Charles, dans le 15ème arrondissement parisien. Sous une autre forme, DIA avait tenté des consignes de retrait dans un magasin parisien.

Auchan vient d’ouvrir un nouveau modèle, rue de Vaugirard, dans le cadre du nouveau concept de magasin MyAuchan, concentré de services urbains avec point Poste, pressing, snacking, espace tirage photos, etc. Il s’agit d’une consigne automatique réfrigérée qui permet à un client de retirer facilement ses achats effectués sur internet. Seul inconvénient : cette consigne est au fond du magasin, localisation pas nécessairement pratique.

Consigne automatique de retrait réfrigérée dans un magasin My Auchan

Autre acteur, pas nécessairement connu dans les centres villes, E. Leclerc. Ayant compris l’importance de cette clientèle, E.Leclerc a ouvert en test un premier drive piéton à Lille, place de-Bettignies. Preuve de l’importance que ce concept représente pour l’enseigne, ce tout nouvel espace de seulement 50 m² a reçu la visite de Michel-Edouard Leclerc.

Drive piéton E.Leclerc à Lille

Ces deux initiatives très récentes montrent que le commerce de proximité dans les grands centres urbains pourra trouver dans les espaces de retrait une nouvelle fonction, adaptée au mode de vie des habitants.

Quand on parle délocalisation, difficulté d’usine française, disparition des centres-villes au profit de zones commerciales périphériques, il y a toujours un grand absent, le transport.

Fabriquer plus loin, acheter plus loin, c’est d’abord générer plus de transport, des longs trajets en conteneur maritime, en camion à travers l’Europe, des trajets en voiture individuelle.

Les importations françaises continuent à augmenter fortement. En 2016, la croissance des importations a été de 3,7% après un bond de 6,4% en 2015. [1]

La vacance commerciale dans les villes augmente d’un point ou deux par an. Elle est aujourd’hui supérieure à 10% et atteint 25% dans certaines villes françaises.

Au-delà des bruits de bottes, de mégaphone, d’accusation de l’Europe, de la mondialisation, nous pouvons nous interroger sur le rôle de chacun.

Le rôle de l’Etat est certes de préserver l’équilibre des territoires, des centres villes, des entreprises. Il est aussi d’agir sur la santé publique des habitants. Les transports sont, nous le savons, fortement contributeurs d’émissions de Gaz à Effet de Serre, mais aussi, en particulier en milieu urbain, de pollution locale (particules fines, Oxydes d’Azote), d’embouteillages, de bruit, d’accidentologie. Les seules particules fines que nous respirons dans les villes françaises sont responsables de 48 000 morts prématurées.[2]

La responsabilité de l’Etat est donc d’inciter les entreprises à maîtriser les flux de transport. C’est possible à grande échelle, pour ce qui concerne les délocalisations, en faisant supporter au générateur de flux les coûts environnementaux et sociaux induits par ces transports. L’écotaxe était une réponse possible, même partielle. Elle a été abandonnée. D’autres réponses pourraient être proposées.

Mais n’attendons pas tout de l’Etat ! Les effets des décisions de l’Etat sont trop peu efficaces dans ces domaines et toujours très longues. Le consommateur a un rôle essentiel qu’il ne faut pas négliger.

Acheter responsable, c’est acheter près de chez soi, dans des commerces de proximité, lorsqu’ils existent encore. C’est aussi préférer des vêtements fabriqués en France, éventuellement au Maroc, plutôt que des vêtements Primark fabriqués au Bangladesh dans des conditions sociales désastreuses.

Le cas de l’entreprise Labonal, fabricant bien connu de chaussettes, est édifiant. Entreprise qui peine à sortir d’une délocalisation, basée sur des prix de plus en plus bas, elle s’oriente vers la qualité en fabricant français. Sa mise en redressement judiciaire est là pour montrer que rien n’est simple. La responsabilité du consommateur est énorme. C’est à lui de soutenir cette entreprise, d’accepter de payer 12 € une paire de chaussettes.

Concernant Whirpool, là encore, rien n’est à attendre de l’Etat. Par contre, le consommateur peut choisir d’acheter des machines à laver Whirpool ou d’une autre marque, en fonction de sa sensibilité sur le « nationalisme » économique. Il peut facilement, à lui seul, faire reculer ce groupe, qui trouve en France son 4ème marché mondial, beaucoup plus important que la Pologne.

Les commerces de centre-ville disparaissent. Certes, l’Etat, les maires, les membres des CDAC sont responsables du développement anarchique des zones commerciales périphériques, qui se portent d’ailleurs parfois assez mal… Mais le consommateur aussi. Il a le choix. Rien ne l’oblige à éviter le centre-ville pour se diriger vers des enseignes uniformisées et banalisées.

Preuve de la responsabilité du consommateur, le magazine Que Choisir (mai 2017) vient de publier un reportage sur le sujet « Où sont passés les commerces ? », en citant les exemples d’Albi ou de Châtellerault.

Faute d’Etat responsable, il faudra probablement trouver des consommateurs responsables pour que l’emploi perdure dans les entreprises françaises.

[1] Source Insee

[2] Source Agence Européenne de l’air

Quand nous parlons du dernier kilomètre et d’environnement, tous les voyants virent au rouge. L’e-commerce génère de plus en plus de colis, livrés de façon anarchique dans les villes, souvent avec des stationnements en double-file. Les magasins sont livrés de plus en plus fréquemment, du fait du cross-canal, mais aussi d’une gestion plus optimale des surfaces de ventes et des stocks. Les repas sont livrés par une myriade de vélos et scooters roulant de plus en plus vite, trop souvent sans respecter les règles de sécurité de base. Les sites internet nous proposent des livraisons en 1 ou 2 heures, effectuées par des coursiers, le plus souvent motorisés. Les livraisons à domicile connaissent une croissance exponentielle.

Ces flux ne sont pas tous nouveaux. Ainsi, les livraisons à domicile existent depuis fort longtemps. Les grands magasins en faisaient déjà au 19ème siècle un de leurs arguments de vente, ceci bien avant l’invention du marketing.

Mais leur développement rapide perturbe les schémas en place dans les villes et l’organisation de la mobilité des marchandises.

Pourtant, d’autres nouvelles nous semblent aller dans le bon sens, au moins sur le plan environnemental. Sur le plan culturel ou affectif, cela semble moins sûr. Elles concernent en fait principalement la réduction de certains flux transportés, et donc le nombre de véhicules sur la route.

Le premier segment touché par l’économie numérique est le courrier. Son déclin de 7% par an participe à la réduction des flux de véhicules dans les agglomérations. Il en est de même pour les autres produits progressivement dématérialisés, la musique, les cassettes vidéo, les livres, les journaux, la photo, les archives et autres documents papier… Autant de secteurs qui évoluent profondément et qui tendent à disparaître sur le plan matériel. Si nous voyons avec tristesse disparaître livres, disques et journaux, réconfortons-nous en pensant aux arbres économisés et aux camions en moins sur nos routes ! Nous pleurons probablement moins la disparition des relevés de banque et les avis d’imposition !

Mais la réduction des volumes transportés ne s’arrête pas là. Les progrès technologiques permettent de réduire sensiblement les emballages. C’est ainsi le choix fait par Cdiscount en équipant ses entrepôts de la toute nouvelle machine d’emballage CVP-500 de Neopost, qui découpe et ajuste le carton de tous les côtés afin de réduire le volume du colis transporté. Cette machine d’emballage a été récemment primée au Prix Stratégies Logistique de l’innovation durable.

Dans d’autres domaines, le développement progressif des imprimantes 3D permet de réduire le transport de certaines pièces, fabriquées localement. Les applications actuelles des imprimantes 3D se retrouvent actuellement dans de nombreux secteurs tels l’automobile, la plasturgie, l’aérospatiale, l’électronique, le médical. La croissance du marché des imprimantes 3D est de 70% par an. En 2016, il s’est vendu dans le monde 278 000 imprimantes 3D de bureau et 12500 machines industrielles. En mai prochain aura d’ailleurs lieu le premier salon de la fabrication additive à Paris.

Ces 3 exemples montrent que les principaux axes de progrès afin de réduire le nombre de produits transportés sont la dématérialisation, la mécanisation permettant de réduire les volumes des emballages, la fabrication additive permettant de réaliser sur place les produits nécessaires et de ne transporter que des matières premières.

L’impact du progrès technologique sur l’environnement est alors une réalité !