Le baron Haussmann n’est pas nécessairement le personnage auquel on pense en premier lorsqu’on évoque l’histoire de la distribution des marchandises.

De très nombreux livres ont été écrits sur l’œuvre d’Haussmann, parfois d’ailleurs critiquée pour avoir détruit le vieux Paris et surtout pour son coût exorbitant.

Haussmann a tout d’abord agrandi Paris en y annexant des communes suburbaines.

Photo de Haussmann en 1860Il a aussi rendu Paris viable. En effet, malgré les travaux effectués sous Napoléon Ier, Paris souffrait à l’époque de problèmes majeurs d’hygiène, de sécurité, de circulation et connaissait une population en forte croissance. Il avait comme mission d’améliorer la circulation, l’hygiène et la paix sociale. Napoléon III lui a demandé plus encore, il voulait embellir Paris et faire de Paris une ville aussi prestigieuse que Londres.

Nous n’y pensons pas tous les jours, mais son apport à la capitale a été essentiel. En seulement 17 années, de 1853 à 1870, Haussmann, préfet de la Seine,  a tout fait ou presque. Jamais Paris n’avais connu et ne connaîtra probablement autant de travaux. On lui doit bien sûr les avenues, mais aussi les parcs et jardins (parc Monceau, Montsouris, Buttes-Chaumont, Bois de Vincennes, notamment). On lui doit aussi l’amélioration des voies, des pavés, des trottoirs, de l’éclairage public, les promenades, les cimetières, les lycées et collèges, les théâtres, les égouts, de nombreux édifices religieux (d’ailleurs de différentes confessions), les hôpitaux et de très nombreux édifices publics.

Mais Haussmann était également intéressé par l’approvisionnement de la capitale. Tout d’abord en eau. L’eau provenait essentiellement du canal de l’Ourcq, créé par Napoléon 1er. Les volumes étaient très insuffisants pour approvisionner Paris. Haussmann est à l’origine de travaux énormes afin d’améliorer l’approvisionnement de Paris en eau, notamment par des puits artésiens, collecteurs, réservoirs, circuits d’adduction et autres équipements.

Haussmann s’est beaucoup intéressé aux Halles. En effet, c’est Haussmann qui a convaincu Napoléon III de confier à Baltard, qui était un ancien camarade d’Haussmann au lycée…, la construction des différents bâtiments des Halles. Napoléon III voulait du fer, rien que du fer… et rêvait de reproduire la gare de l’Est. Il rêvait de « vastes parapluies «  en fer et en verre. Haussmann avait d’ailleurs eu beaucoup de difficultés à convaincre Baltard, grand prix de Rome, de construire en fer.

Mais on doit également à Haussmann les abattoirs de La Villette, reliés par un embranchement, aux Chemins de Fer de Ceinture et pas un embarcadère, au canal de l’Ourcq. La Villette était donc un site multimodal !

Haussmann est également intervenu sur les canaux, les berges de la Seine, les ponts, les gares (la gare de Lyon notamment)…

Comme durant de nombreuses périodes historiques, l’approvisionnement de la capitale constituait un enjeu majeur afin de garantir le bien-être des habitants mais surtout la sécurité.

Ainsi, Haussmann a profondément modifié les infrastructures d’approvisionnement de la capitale, notamment les voies de circulation et équipements, mais aussi l’approvisionnement en alimentation (Les Halles et les abattoirs), en eau.

Evidemment, ce petit article est loin d’être exhaustif et n’en a pas la prétention. Il peut donner envie de lire ou relire les Mémoires du baron Haussmann et je citerais une phrase qui est essentielle dans l’œuvre d’Haussmann concernant Paris.

« La facilité de ses accès est une nécessité pour toutes les productions des départements, qui affluent sur ce grand marché. La commodité des points où se concentrent les approvisionnements, où s’opèrent les transactions diverses (…) »

Haussmann n’était-il donc pas un de nos grands logisticiens ?

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le vélo livreur de gamelles... le vélo livreur de gamelles…   

C’est presque un film sur la logistique urbaine que nous voyons actuellement sur les écrans. Le film”Lunch Box” du réalisateur indien Ritesh Batra nous montre en détail le fonctionnement du réseau de livraison des “gamelles de Bombay”, les dabbawalas.

Le principe est simple et date de … 1885. A cette époque, un banquier de Bombay a eu l’idée de demander tous les jours à un livreur de lui livrer à midi un plat cuisiné chez lui et de rapporter le contenant vide chez lui, le repas consommé. Le principe s’est structuré de façon industrielle en 1954.

Les flux sont impressionnants :

5000 personnes vivent à Bombay de cette activité, qui est déployée sur des distances allant jusqu’à 60 km et gèrent des flux de 200 000 “gamelles” (tiffins) dans chaque sens soit 400 000 mouvements par jour exclusivement en B to C !

dabbawala-2Traditionnellement, les personnes actives (majoritairement des hommes en Inde) se font , pour des raisons de tradition, livrer leurs repas faits à la maison, tous les midi, à leur bureau. Les contenants sont très standardisés et conditionnés dans des emballages isothermes, tous quasiment identiques. Ils sont acheminés tous les jours dans la matinée, du domicile vers le bureau, puis, après consommation, du bureau vers le domicile.

Cette organisation, unique au monde, a été analysée par de nombreux spécialistes, qui s’étonnent du niveau de qualité inégalé et des délais précis respectés, avec une infrastructure réduite au strict minimum. Pas de locaux, utilisation des transports en commun ou de vélos.dabbawalas-4

Quelles sont les clés de cette réussite ?

1) L’organisation est structurée en équipes de 20 à 25 personnes avec un chef d’équipe et un secteur géographique. Un code très précis (uniforme, charte, etc…) encadre le fonctionnement de chaque livreur.

2) Les livreurs sont toujours les mêmes et un rapport de confiance a été institué à tous les maillons de la chaîne. Avant le téléphone portable, ces gamelles seraient d’ailleurs de moyen de communication avec l’insertion de messages (notre film est d’ailleurs là pour prouver le bon fonctionnement de ce système!)

3) Un système de codification (pas de code barre…) très didactique a été mis en place permettant l’acheminement de la gamelle, l’adresse, l’étage, le service, le secteur, le point d’éclatement prévu, etc…

4) les aléas de transport en ville sont faibles puisque les livreurs utilisent les réseaux ferrés, vélos et bien sûr livrent à pied…

5) les livreurs sont membres d’une association et donc directement intéressés au résultat.

Les délais ?

Un enlèvement quotidien vers 9h30 et une livraison avant le déjeuner ! Les gamelles sont reprises après le déjeuner et livrée entre 16 et 17h.

La qualité ?

La réponse est donnée dans le film à un consommateur qui se plaint d’une erreur d’adresse. “C’est impossible ! Les experts d’Harvard sont tous venus et confirmé qu’il ne peut pas y avoir d’erreur!”. En fait les KPIs (respect des horaires et de l’adresse) affichent un taux de qualité de 99,999999% (une erreur sur 6 millions d’opérations), de quoi faire rêver les meilleurs directeurs supply chain!

Les Dabbawalas sont-ils alors un cas d’école (c’est en effet un cas de la Harvard Business School), un modèle ou une source d’inspiration pour les systèmes de distribution urbaine de demain ?

bureau de villeLes bureaux de ville constituaient, pendant des décennies, un maillon essentiel du fonctionnement de la logistique dans Paris.

La réglementation définit d’ailleurs de façon précise la mission d’un bureau de ville : le commissionnaire prend en charge des colis ou des expéditions de détail et les remet séparément soit à des transporteurs publics, soit à d’autres commissionnaires.

Dans les années 1930, il était dénombré à l’intérieur de Paris environ 80 bureaux de ville privés. Ils avaient précisément comme rôle de collecter les colis provenant des expéditeurs, produire les documents d’expédition, peser les colis, percevoir le montant du transport et acheminer les colis vers les gares de marchandises. Ces marchandises étaient ensuite acheminées à destination par chemin de fer. Le rôle des bureaux de ville était en sens inverse de distribuer dans Paris des marchandises provenant de la province et acheminées par fer.

Progressivement, ceux-ci ont disparu et ce maillon intermédiaire, a lui aussi quasiment disparu. Le Sernam, qui était un acteur essentiel dans ce dispositif, a suivi la même évolution.

Depuis quelques années, les intervenants professionnels et publics, notamment la Ville de Paris, souhaitent favoriser la création de “bureaux de ville”. En effet, ces points locaux, situés dans quartiers de Paris, peuvent jouer un rôle important dans l’amélioration de la distribution des marchandises, notamment dans la situation que nous connaissons de développement des flux de colis du fait de la croissance de l’e-commerce.

Ils permettent en effet une massification des flux. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les quelques installations aujourd’hui opérationnelles sont situées dans un quartier générateur de flux BtoB, le Sentier.

La récente charte en faveur d’une logistique urbaine durable dont l’initiative revient à la Ville de Paris envisage d’ailleurs clairement le retour de ces installations. Elle mentionne qu’il s’agit de locaux de petites dimensions qui permettent de grouper et distribuer sur place des marchandises aux clients, ainsi que d’enlever des colis et plis apportés par l’expéditeur lui-même. Ce type d’équipement trouve toute sa pertinence à l’échelle d’un quartier.

Ces “bureaux de ville” pourront ainsi à nouveau trouver leur place dans l’organisation logistique de Paris, en complément des centres de distribution urbaine et des points relais.

La logistique urbaine n’a pas fini de rechercher des solutions pertinentes dans l’histoire !