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Nous pourrions autour d’une fable imaginer le rôle de chacun dans la logistique urbaine : l’architecte, le logisticien, le consommateur, le commerçant, l’autorité publique, le citoyen…

Qui cherche à prendre le dessus sur l’autre ? Quels sont les intérêts de chacun ? Sont-ils contradictoires ? Y-a-t-il un dénominateur commun ? Quelle est la morale ?

L’histoire se déroule en 1853. Haussmann, fraîchement nommé préfet de la Seine, obéit aux ordres de Napoléon III, fin urbaniste et passionné par Paris.

L’urgence est l’approvisionnement de Paris. On ne peut pas (aujourd’hui encore) dissocier logistique urbaine et approvisionnement d’une ville. La première fonction de la logistique pour une agglomération est en effet de permettre à ses habitants d’accéder aisément aux biens de consommation nécessaires à leur vie quotidienne.

L’organisation de l’approvisionnement d’une ville nécessite une logistique de proximité, permettant le négoce et le cross-docking  des produits de consommation courants, notamment alimentaires. C’est le rôle du marché de gros ou des halles.

Même si l’idée des Halles Centrales ne date pas de Napoléon III, il en porte sans aucun doute la paternité.

Haussmann exécute et parvient à confier le projet à son ami Victor Baltard, plutôt qu’à l’architecte pressenti, Viollet-Le-Duc. Le cahier des charges est le plus simple que l’on puisse imaginer :

« Ce sont de vastes parapluies qu’il me faut, rien de plus ! » indiquait Napoléon III au baron Haussmann.

Cette phrase, rapportée par Haussmann dans ses mémoires, ne devrait-elle pas être mise en perspective avec les cahiers des charges architecturaux souvent complexes et qui aboutissent à des solutions économiquement difficiles, que nous connaissons actuellement ?

La logistique urbaine, même si les solutions sont parfois délicates à mettre en œuvre, nécessitent des moyens simples. En effet, contrairement à des organisations logistiques nécessitant des mécanisations lourdes, la logistique urbaine a besoin d’outils flexibles, simples et économiquement acceptables pour le consommateur final qui en supportera le coût.

Trier des colis pour les acheminer d’un mode de transport vers un autre, optimiser des moyens, décharger des conteneurs pour adapter le moyen de transport à la ville ne doit pas nécessiter des solutions complexes. Voilà pourquoi la mission de l’architecte est passionnante : réinventer le parapluie.

Le parapluie protège, est mobile, flexible, adapté aux situations et simple.

C’est bien le rôle de l’immobilier dans la logistique urbaine.

Sur un seul niveau, en sous-sol ou de plain-pied, sur deux ou de multiples étages, le principe est le même : parvenir à des solutions économiquement acceptables permettant à la logistique urbaine de se développer à grande échelle.

Le rôle de l’architecte est alors primordial : rendre cet outil de travail adapté et intégré à la ville, tout en maîtrisant les coûts afin de lui conserver sa fonction principale.

La conférence Bestfact, qui s’est déroulée aujourd’hui à La Défense, comportait un après-midi de brainstorming ludique et très riche en idées. Organisé par Mines Paris Tech, cet après-midi visait à trouver des solutions de mobilité pour les villes et notamment Paris en 2030.

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Les étudiants de Mines Paris Tech ont remarquablement organisé cette séance autour d’un jeu, en sélectionnant 4 cas de figure : les transports sont partagés ou individuels ; les marchandises vont directement au consommateur ou inversement, le consommateur se déplace pour transporter ses marchandises.
Les très nombreuses idées émises par les participants à ce congrès montrent que, même s’il n’y aura pas en 2030 de standardisation des villes, des tendances émergeront :
Le partage. La société collaborative continuera à se développer. Le rythme pourra dépendre du cas de figure choisi et des incitations publiques. Ce partage pourra concerner les voitures, les vélos, les transports en commun bien entendu, la voirie, les places privées de stationnement, mais peut être aussi les livraisons. Les expériences de delivery crowdsourcing ou les ambitions d’Uber dans le domaine des colis peuvent permettre d’envisager dans les années qui viennent des débats sur ce sujet.
L’information. La technologie permet de mettre en œuvre des solutions nouvelles. La géolocalisation, la traçabilité et les places de stationnement « intelligentes » ont été imaginées, de même que la gestion des capacités dans les véhicules.
Les infrastructures. La voirie sera certainement encore mieux partagée entre les différents modes et sécurisée. D’autres moyens de transport seront peut-être imaginés dans les villes (fleuves par exemple, pourquoi pas intermédiaire entre les taxis et les bus…, téléphériques, …). Les idées ne manquent pas pour compléter l’offre existante.
La technologie sur les véhicules. Les études continueront afin d’améliorer les bus, tramway, métro, véhicules utilitaires ou voitures et vélos urbains.
Ce qui est cependant certain, c’est que l’amélioration de la mobilité est l’affaire de tous, mais les autorités publiques en ont la maîtrise. C’est elles qui réglementent, autorisent, interdisent, aident, ou permettent de mettre en œuvre la plupart des solutions. Leur rôle sera de plus en plus important car il touche à l’organisation même de la ville.
Alors, après la journée de la Logistique, pourquoi pas une journée de la mobilité ?

En 1956, un industriel américain, Malcolm Mac Lean a imaginé le transport sur bateau de la partie supérieure d’un camion, en l’occurrence le conteneur, afin de palier à la saturation des axes routiers.  Le conteneur maritime a été standardisé quelques années plus tard, en 1961 avec les deux dimensions 20’ et 40’.

En quelques décennies, le transport maritime a été bouleversé par le développement du conteneur. On estime le nombre de conteneurs en circulation dans le monde à plus de 100 millions.

En fait les historiens font remonter le conteneur à 1795, lorsque des exploitants de mines de charbon en Angleterre avaient eu l’idée de créer un conteneur qui pouvait être transféré d’une charrette vers une barge.

Les palettes avion puis ULD (united load devices) sont également apparues dans la fin des années 1950.

La généralisation de ces moyens  a permis une facilité de manutention lors des opérations de rupture de charge, le passage aisé d’un moyen de transport à un autre à l’air libre, donc sans nécessité de local couvert, le respect des marchandises (qualité et sécurité), la maîtrise des coûts.

C’est à partir de ces principes que de nombreuses études et expérimentations ont été effectuées sur la conteneurisation de la logistique urbaine.

Une de ces expérimentation a été le vélocube qui consiste à loger dans le volume d’un conteneur 20’ l’équivalent de 20 petits conteneurs de 1,15 m3 chaque, qui pourrait ainsi aisément passer d’un châssis routier à un châssis cargocyle.

Le Cluster logistique urbaine durable piloté par la CCI des Hauts-de-Seine nous présente sur la SITL plusieurs versions de conteneurs urbains, certains démontables. Le conteneur de 20 m3 (3 par semi-remorque) permet de passer d’une semi-remorque à un porteur de distribution urbain (électrique par exemple) ou d’une barge vers un châssis de porteur urbain.

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Ces expérimentations témoignent d’une réelle avancée vers des solutions industrielles, nécessitant des moyens faibles (notamment l’absence de moyens immobiliers) et basés sur la productivité.

Cargocycle ou porteur électrique, la logistique urbaine ira vraisemblablement vers des solutions industrielles permettant de parvenir à des chaînes logistiques efficaces et fiables, mais aussi supportables sur le plan financier.

Le principal coût étant la rupture de charge, ces expérimentations ont le mérite de toucher directement à ce poste qui constitue un des principaux obstacles vers la mise en œuvre de solutions de logistique urbaine.

Alors vive le conteneur !