La publication récente du document cadre pour une Stratégie Nationale France Logistique 2025, qui fait suite à la conférence nationale Logistique du 8 juillet 2015, met en exergue pour la première fois les problématiques et orientations nationales pour la Logistique Urbaine.

Habituellement, il est considéré que la Logistique Urbaine est un sujet de préoccupation locale. La loi pour la transition énergétique du 18 août 2015 donne d’ailleurs des pouvoirs aux collectivités locales dans ce sens, notamment de création de Zone à Circulation Restreinte.

Le cadre national établit ses objectifs à partir de 4 scenarios macro-économiques très différents, allant d’une poursuite de la mondialisation au retour des frontières. C’est le cadre politique et économique dans lequel les projets s’intègrent. La logistique urbaine et le dernier kilomètre ne font pas exception.

Il est ensuite proposé une impressionnante liste, sur 30 pages, d’objectifs à 10 ans. Pas moins de 246 objectifs ! L’ambition de ces objectifs montre l’importance portée à la logistique et nous ne pouvons que nous en féliciter, même si la marche peut sembler haute.

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Ce blog a déjà parlé à plusieurs reprises du problème essentiel des centres villes en France ou en Belgique et de leur désertification. Le récent livre d’Olivier Razemon « Comment la France a tué ses villes » explique ce phénomène, ses origines et ses conséquences notamment politiques.

A l’initiative de l’Association des Petites Villes de France (APVF), les candidats sont invités à se prononcer sur les mesures qu’ils envisagent de prendre afin d’enrayer ce phénomène, qui dépasse très largement le sujet du commerce. Il touche au mode d’habitat, de déplacements et à la politique publique de développement des zones périphériques. L’APVF vient de publier un manifeste proposant 17 axes de travail. Dans un de ces chapitres dénommé « la revitalisation des centres-bourgs, une politique globale », l’APVF propose de ” de mobiliser tous les acteurs du centre-ville dans le cadre d’une gouvernance partagée, afin de mieux coordonner les interventions, mettre en valeur l’offre commerciale existante, organiser des animations, ou encore créer des services pour l’ensemble des commerçants d’un secteur (plateforme internet, logistique urbaine, livraison…) ” . La logistique urbaine est donc dans la campagne !

Pour choisir un exemple des problématique des petites et moyennes villes, nous allons nous arrêter dans une agréable ville de près de 10 000 habitants du cœur de l’Hérault, Clermont l’Hérault, et tenter d’expliquer ce phénomène. Clermont l’Hérault vit au rythme de son marché, le plus ancien du Languedoc, qui étale ses nombreux producteurs et commerçants tous les mercredis matin dans l’ensemble du centre-ville. Une magnifique expérience et un lieu prisé des touristes en période estivale.

Mais cette jolie ville de l’Hérault n’en est pas moins une ville déserte. La rue centrale se vide progressivement de ses commerces. les commerces de vêtement meurent tout doucement, comme les fromagers, les épiciers ou opticiens.

  

  

  

 

Depuis plusieurs années, le centre-ville est progressivement déplacé vers un second centre-ville, à quelques kilomètres seulement, la zone des Tannes-Basses. Sous prétexte de créations d’emplois, qui ne sont en fait que des transferts, une immense zone multi-commerces, qui n’a rien d’artisanale, a été créée à l’entrée de la ville. On y trouve logiquement un supermarché et sa galerie marchande, les nombreuses enseignes de vêtements, de bricolage et de sport auxquelles nous sommes habitués, mais surtout des activités que l’on retrouve habituellement dans un centre- ville : boulangerie, notaire, banque, dentiste, boucherie, fleuriste.

   

Cet exemple, que nous pouvons retrouver dans de nombreuses villes françaises, montre que le choix a été fait de créer une seconde centralité, en concurrence avec le centre-ville historique, mais totalement et uniquement accessible en voiture. Les habitants des différentes localités et lotissements de la région peuvent ainsi effectuer la totalité de leurs achats sans avoir à aller au centre-ville, qui n’offre des facilités nécessaires qu’au travers de commerçants ambulants le mercredi matin…

Non loin de là, l’urbanisation a encore marquée la région avec la toute nouvelle zone logistique de la Salamane, qui ne rassemble en fait que 2 entreprises, un entrepôt régional de la centrale d’achat U, totalement isolé des autres zones logistiques de la région et un drive Leclerc, un des 3000 drives français.

 

Olivier Razemon nous explique que le responsable de la désertification des centres villes n’est pas l’e-commerce, qui ne représente aujourd’hui, malgré sa croissance, que 6,6% de la consommation. Le responsable est certainement la politique publique qui a permis le développement de ces zones périphériques au détriment de la ville historique. C’est aussi le consommateur, qui fait le choix d’éviter d’aller au centre-ville. Une des conséquences sur le plan logistique est l’étalement des flux, comme l’étalement des populations. Un centre-ville permet de mettre en place une concentration géographique des flux de personnes et de marchandises , ainsi qu’une proximité des habitants, qui peuvent alors s’y approvisionner à pied ou être livrés par des moyens simples. Une zone périphérique nécessite un approvisionnement en poids lourds, une mobilité en voiture et de lourdes et coûteuses infrastructures.

Un des enjeux des prochaines années sera de trouver le moyen, notamment par une politique fiscale, de faire revenir ce notaire, cette boulangerie, ce boucher ou ce fleuriste là où leur fonction première les attend, le centre-ville…

La logistique urbaine est un terrain d’expériences pour nombre d’entreprises. Groupes de distribution, start-ups, groupes de transport et de logistique, collectivités locales. Chacun pense avoir trouvé la bonne idée. Celle qui permettra d’améliorer sensiblement les flux de camions dans les villes, de réduire les embouteillages, la pollution dont nous savons le transport de marchandises en partie responsable.

Pourtant, nombre de ces expériences s’arrêtent, souvent après un an ou deux, parfois plus. C’est ainsi le cas de l’approvisionnement par train mis en place il y a 9 ans par Monoprix. Il permettait tous les jours de réduire le nombre de camions entrant dans la zone dense urbaine parisienne, donc les embouteillages et les externalités négatives générées par ces embouteillages. Il était affiché comme une des plus belles réussites de logistique urbaine. Il s’est arrêté le 31 décembre 2016.

Autre arrêt, celui de City Logistics à Lyon. Considéré par les spécialistes comme le Centre de Distribution Urbaine le plus performant en France, d’initiative privée, il s’est également arrêté en décembre faute d’équilibre économique.

Encore un arrêt, celui des Pickup Store. Ils étaient reconnus comme un des modèles permettant une massification des flux de colis à des emplacements stratégiques, dans les gares. La Poste avait mis en place 3 de ces espaces, avec des efforts de communication importants et une inauguration par le Premier Ministre de l’époque. Le site internet mentionne de façon laconique qu’après 2 ans de tests, la Poste met un terme à l’expérimentation.

Pickup Store Gare Saint-Lazare

Ces trois expériences ne constituent que la suite d’une longue liste comprenant la barge Vert Chez Vous, l’expérience La Tournée à Paris, certains ELU à Paris et de nombreux CDU à l’étranger, notamment en Allemagne. D’autres initiatives publiques ou privées semblent fragiles, dépendant largement d’aides publiques de plus en plus rares.

Pourtant, la Logistique Urbaine fait l’objet de toutes les attentions : incubateurs, colloques, renforcement des réglementations, chartes, aides publiques. Les occasions ne manquent pas pour rappeler la responsabilité des chargeurs et des transporteurs. Les start-ups et initiatives locales n’ont jamais été aussi nombreuses. Quelles sont alors les critères de réussite ou d’échec d’un projet ?

Bien sûr, chaque cas est différent mais certains points communs méritent d’être mis en évidence.

L’intérêt environnemental d’une expérience ou d’un projet n’est pas suffisant pour en assurer la pérennité. Les réglementations urbaines sont parfois peu restrictives, pas toujours incitatives et trop souvent mal appliquées.

La pérennité d’un modèle tient sur 3 éléments qui constituent les fondements de tout projet de logistique urbaine :

  • Il doit être équilibré financièrement sans aide publique. Les aides parfois accordées ne sont que provisoires. Il doit donc correspondre à un modèle économique viable dans un milieu concurrentiel.
  • Il doit permettre d’améliorer le service demandé par le client, entreprise ou particulier. Dans la période actuelle, le service est basé sur l’information, l’accélération des flux (et pas leur ralentissement) et le prix. L’argument environnemental doit alors faire partie d’un tout, qui comprend la qualité de service et son amélioration par rapport à la situation précédente.
  • Il doit s’inscrire dans un cadre réglementaire incitatif lui garantissant une pérennité par rapport aux modèles de distribution traditionnels. Si une initiative volontaire pertinente sur le plan environnement et du service est mise en place, et si, en parallèle, les solutions traditionnelles peuvent continuer à fonctionner sans aucune contrainte, alors le projet nouveau aura du mal à exister sur la durée.

La pérennité d’un modèle de logistique urbaine tient beaucoup du niveau d’engagement de l’entreprise, de sa politique de développement durable sur le long terme, de ses priorités. La compréhension des enjeux de la logistique urbaine auprès des directions RSE et des directions générales est alors un des éléments pouvant favoriser la pérennité des solutions expérimentées.