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Dans le passé, tout se passait dans notre village, notre quartier. Nous y habitions, y faisions nos achats, et souvent y travaillions. Nous aimions nos commerces de quartier, notre marché, notre boucher, notre épicier… Nous achetions des produits locaux et savions d’où ils provenaient. Nous avions notre cinéma de quartier, nos restaurants de quartier, nos amis et souvent notre travail. Nous connaissions nos voisins.image proximité

Evidemment, tout a changé. Notre modèle d’avant la mondialisation est rétro, voire ringard. Le travail est souvent très éloigné de notre domicile. Nous prenons notre véhicule pour faire nos courses, souvent de plus en plus loin. Les produits que nous achetons viennent de loin, parfois de l’autre bout du monde. Nous partons pour quelques jours très loin. Les déplacements sont faciles. Nos amis sont dans le monde entier… Notre spectacle est en ce moment au Brésil … Nos enfants étudient à l’étranger… Nous achetons sur internet sans trop savoir où se trouvent les produits et encore moins où ils sont fabriqués et dans quelles conditions. Ce n’est pas seulement l’économie qui est mondialisée mais notre vie toute entière, avec les avantages mais aussi les problèmes tant économiques qu’environnementaux que nous constatons quotidiennement.

Nous sommes dans une économie de mobilité. Mobilité physique, mobilité des marchandises, mobilité numérique.

Ce modèle a cependant des limites et nous constatons de nombreux éléments qui ont tendance à nous faire suivre progressivement un autre chemin ou à permettre une adaptation de ce modèle.

Pour se limiter aux aspects logistiques de cette analyse, je m’intéresserais tout d’abord aux circuits courts.

Les circuits courts, essentiellement développés dans le secteur des fruits et légumes, ont pour objectif de mettre en relation directement un producteur avec des consommateurs finaux de proximité. Pas d’intermédiaires. Peu de transport et une garantie pour le consommateur de produits provenant d’un producteur connu et proche de chez eux. Le développement exceptionnel de ce mode de distribution montre l’intérêt croissant des consommateurs pour la proximité et leur prise de conscience de l’intérêt de l’achat proche de chez soi.

Dans un tout autre domaine, nous constatons dans les centres villes et notamment à Paris le développement de commerces d’un type nouveau, proche de chez nous. Les petites surfaces de vente de proximité sur le modèle des Monop’, se développent sous plusieurs enseignes et créent une nouvelle offre de produits proche de chez nous. Certaines études, comme celle récente de Frost & Sullivan, prévoient une réduction de 15 à 20% de la taille moyenne des magasins. Ces magasins de proximité participent à ce mouvement.

Sur le plan du commerce numérique, le fort développement annoncé du « ship from store » donne clairement une importance nouvelle au magasin physique, qui pourra ainsi trouver sa place dans l’univers de l’économie numérique. Nous achetons sur internet, de notre mobile ou de notre tablette, mais le produit provient de notre magasin de proximité. Nous n’avons pas le complexe de participer directement ou indirectement, à la fermeture annoncée de notre libraire ou de notre quincailler préféré. Nous lui donnons un autre avenir que celui d’être uniquement un point relais pour la réception de colis achetés X ou Y.com…

Dans tous ces domaines, la livraison urbaine de proximité jouera un rôle essentiel. Les consommateurs retrouveront notre triporteur des années 1960, les livraisons à vélo ou en petits véhicules urbains de proximité, voire des modèles de livraison à pied dans les villes.

Ainsi proximité et logistique urbaine constituent des enjeux complémentaires qui participeront à l’évolution de notre mode de consommation plus responsable.

Alors que la protection de notre patrimoine est au cœur de nos préoccupations, intéressons-nous au patrimoine de la logistique urbaine.

Le 20ème siècle a vu se réaliser en région parisienne, à différentes périodes, des ensembles impressionnants, témoins d’une époque, mais aussi de la présence de la logistique en ville, que de nombreux acteurs tentent aujourd’hui de retrouver dans une logique de distribution cohérente et vertueuse de la ville.

Dans les années 1920, des réalisations remarquables, utilisées pendant des décennies pour la logistique urbaine, ont été sauvegardées, mais avec des optiques différentes de celle de la logistique urbaine. C’est par exemple le cas de la Halle Fressinet.

Les années d’après-guerre (1950) ont été la période de construction de certains grands sites comme celui du Citrail à Pantin.

Les années 1960 ont été marquées par la création des gares routières, Garonor au Nord de Paris et Sogaris au Sud.

Les années 1970 ont vu la réalisation dans Paris de réalisations plus contestées, malgré leur utilité pendant des décennies sur le plan de la distribution de Paris : les entrepôts Ney et Macdonald. Ce dernier fait l’objet d’une restructuration impressionnante mais en modifiant également son orientation vers la logistique urbaine.

Il m’a semblé intéressant de regarder quelques une de ces réalisations sur un plan du patrimoine architectural.

Le premier bâtiment de Garonor a été construit par un architecte de grand renom, Bernard Zehrfuss.

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Bernard Zehrfuss

Cet architecte est connu pour la construction du CNIT à la Défense ou des bâtiments de l’Unesco à Paris. Il l’est moins pour la réalisation du plus grand bâtiment de Garonor, qui a su pendant des décennies, caractériser cette plate-forme dédiée à la logistique urbaine. Si le côté opérationnel de ce bâtiment est loin de correspondre aux standards actuels, la rénovation de ce site, en conservant son originalité et sa puissance architecturale pourrait être une opportunité afin de conserver ce caractère innovant des années 1960.

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Bâtiment 1 de Garonor

La gare routière Sogaris (puisque c’était à cette époque son nom), a été construite par deux architectes qui ont également une place significative dans l’architecture industrielle et à qui il convient de rendre hommage : Reymond Luthi, décédé en 2010 et Olivier Vaudou. Ces deux architectes ont été collaborateurs de l’architecte Jean Dubuisson et sont intervenus sur de nombreux projets industriels et tertiaires notamment dans les années 1980. L’architecture des gares routières est caractéristique de cette époque qui était marquée par le modernisme mais aussi le caractère fonctionnel et structurant.

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Bâtiment T de Sogaris

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Gares routières, anciens sites Sernam ou SNCF, entrepôts des Maréchaux, ces sites sont caractéristiques de cette époque que les professionnels commencent à regretter : l’existence de structures logistiques en ville, à l’intérieur même de Paris ou en proximité immédiate, afin d’organiser de façon rationnelle la distribution du dernier kilomètre. Souvent des « hôtels logistiques » avant l’heure.

Souhaitons que ces nombreux témoins de notre patrimoine architectural, dont le positionnement pour la logistique urbaine est plus que jamais pertinent, puissent continuer à servir l’agglomération parisienne dans sa fonction essentielle d’approvisionnement

Proximité (s), c’est le nom donné à cette exposition actuellement présentée à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine à Paris. DSC_0048Cette exposition retrace les grandes tendances mondiales dans les villes : être plus poche des produits, des commerces, de son travail, le partage, la société collaborative, la mobilité, le coworking, l’économie collaborative …

Il n’est pas commun que, dans ce type d’exposition, il soit question de la logistique urbaine, même si le terme n’est pas explicitement cité. Mais un des panneaux met en valeur le projet CMDU de Lille (projet de centre de consolidation de flux), les réalisations de tramways marchandises en Europe, la réalisation de transfert modal et distribution au GNV par Monoprix à Paris.

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C’est déjà un évènement en soi que la logistique urbaine existe, au même titre que les problématiques de mobilité des personnes. C’est encore un élément qui montre que les esprits changent peu à peu. Le commissaire de cette exposition, Frédéric Mialet, indique dans 20 minutes, que la mobilité concerne « tant les hommes que les marchandises ».

Articuler Mobilité et Proximité. C’est le titre donné au panneau présenté Place du Trocadéro. Il est bien choisi. En effet, un des intérêts de la logistique urbaine, c’est la proximité.

Proximité des points d’éclatement des marchandises avec les destinataires ; proximité des points de retraits avec les habitants ; proximité des points de livraisons afin d’optimiser les tournées ; proximité des commerces avec les habitants. Réduire les déplacements, les organiser, que ce soit pour les habitants ou pour les marchandises, est un enjeu majeur. Produire localement, vendre localement, les circuits courts de distribution, ce sont là des enjeux qui ont des implications logistiques majeures sur le plan du mode de vie, des coûts et de notre environnement.

L’exposition, imagine de créer « l’internet physique de la logistique ». Cette terminologie peut avoir plusieurs interprétations. L’internet, c’est la liberté, l’accès à l’information, le réseau, la facilité, le partage des données, la communication, la vitesse de communication. Dans ce sens, nous pouvons imaginer que la logistique urbaine joue ce rôle d’internet physique.

Interprété d’une façon différente, internet, c’est l’immédiateté, le stress de l’information, le côté superficiel, artificiel, la perte des repères… Les critiques sont nombreuses mais acceptons ce terme sous sa première interprétation.

Si tel est le cas, espérons que l’internet physique de la logistique se développe vite !