Le 20 juillet, jour même de l’annonce des mesures essentielles de la future loi sur les mobilités, à l’exception du plan vélo, reporté à l’automne, la ministre Elisabeth Borne inaugurait… une autoroute.

Hasard du calendrier, clin d’œil au lobbying pro-voiture et pro-diesel, clin d’œil aux années 1970 ?

L’autoroute A 304, de 31 km de long, est prévue pour accueillir 16 à 20 000 véhicules par jour, dont 25% de véhicules poids-lourds. Son coût ? 483 millions €. Son objectif affiché : pouvoir relier Marseille à Rotterdam de manière ininterrompue (source Conseil départemental des Ardennes).

Cette autoroute est évidemment gratuite pour l’usager…

L’Est Républicain nous précise d’ailleurs que, grâce à cette autoroute, les nord meusiens pourront rejoindre l’aéroport de Charleroi. Les habitants de Charleville ne seront ainsi, par la route bien entendu, qu’à une heure de l’aéroport de Charleroi.

Le Président du Conseil Départemental des Ardennes nous indique que « Cette ouverture de l’A304 est extrêmement importante pour les Ardennes, en terme d’attractivité et de désenclavement ».

La ministre Elisabeth Borne, écrit alors un Tweet mentionnant « Très heureuse d’inaugurer cet après-midi les 31km de l’#A304, un projet tant attendu pour le désenclavement des #Ardennes et la qualité de vie au quotidien des habitants. »

Nous pouvons nous étonner de ces discours et choix d’investissements, pour des montants considérables alors même que la France est pointée du doigt par Bruxelles pour non-respect de ses engagements en matière d’émissions de dioxyde d’azote.

Faut-il encore, au 21ème siècle construire des autoroutes alors que nous souhaitons tous une transition énergétique vers des modes de déplacements plus adaptés aux engagements pris de réduction des émissions de GES ?

Faut-il créer des axes routiers gratuits afin de se rapprocher des aéroports ?

Plus grave, le message de la ministre Borne parlant d’autoroute qui aide le désenclavement des territoires nous rappelle le discours d’inauguration de l’autoroute A6 par le président Pompidou en 1970, il y a 48 ans.

Louis Pradel, maire de Lyon, nous disait, dans un discours bien connu « et maintenant, Lyon est prêt à recevoir 200 000 véhicules par jour san provoquer de bouchon… ».

Faut-il comme le disait si bien Georges Pompidou, se « boucher les yeux » devant l’évidence ? « L’autoroute doit être continue, doit être ininterrompue, c’est sa première caractéristique » L’autoroute doit rejoindre les réseaux routiers étrangers ». L’autoroute est un élément de création économique ». Pour ceux qui ne l’ont pas en tête, écoutez ce magnifique discours d’inauguration, d’ailleurs très proche sur les messages de celui de l’inauguration de l’A304. 

Avec 48 ans de décalage, nous avons toutefois appris que

  • les autoroutes ne servent en aucun cas à désenclaver les territoires. Les seules villes petites et moyennes qui ne souffrent pas actuellement (à l’exception des villes touristiques) sont justement … les villes enclavées.
  • Les autoroutes favorisent l’étalement urbain, notamment lorsqu’elles sont gratuites, comme c’est le cas de l’A304. Or l’arrêt de l’étalement urbain (nous consommons tous les 10 ans l’équivalent d’un département en urbanisation) constitue un enjeu majeur.
  • Les autoroutes ne raccourcissent pas les déplacements mais les multiplient en les facilitant.

Madame la Ministre, votre message est malheureusement décalé par rapport à notre époque. Il nous renvoie à l’époque de l’essence pas chère, de la recherche de liberté grâce à l’automobile, du désintérêt ou absence de prise de conscience sur les problèmes environnementaux. En somme à une autre époque…

Nous aimerions que, comme dans d’autres pays les Ministres se déplacent pour inaugurer … des autoroutes à vélo.

Les plates-formes numériques prennent progressivement une place dominante dans de très nombreux secteurs de l’économie. Par le service apporté, la simplicité pour le consommateur, la qualité de l’information, elles modifient souvent de façon radicale les relations entre des offreurs de produits ou de services et leurs clients. Rapidement, elles deviennent indispensables au fonctionnement même d’un secteur économique. C’est par exemple le cas de Trip Advisor ou de Booking, qui ont progressivement relégué le modèle traditionnel du classement des hôtels en étoiles à l’archéologie du tourisme.

C’est le cas de Blablacar ou Drivy dans l’économie collaborative, d’Uber ou du modèle de market place comme celui d’Amazon ou d’Ebay dans la vente de produits.

Peu de secteurs échappent au modèle de market place et de plateforme numérique.

Sur le plan économique, le modèle est assez simple. Un site propose des offres et se rémunère en pourcentage sur les transactions. Le pourcentage variera suivant le niveau de services apporté et surtout la visibilité.

Contrairement à d’autres secteurs, le transport de marchandises ne correspond pas à un modèle unique. Des plates-formes comme Everoad ou Fretlink, mais aussi Wefret ou Fretbay ont choisi comme orientation des trajets interurbains ou internationaux. C’est en quelque sorte l’équivalent numérique de la bourse de fret, avec un message vertueux, celui de mieux occuper les capacités roulantes.

Un second modèle est celui des solutions de livraison du dernier kilomètre, permettant de mettre en relation des transporteurs, souvent des coursiers ou des VUL, avec des commerçants, magasins physiques ou e-marchands et des restaurants. Le but est alors de répondre à la demande croissante de livraison rapide en ship-from-store en optimisant les parcours. Une communauté de transporteurs ou de livreurs indépendants est connectée à cette plate-forme et est mise en relation avec un point de vente qui génère des demandes des clients. Il y a dans ce cas non pas 1 intermédiaire (comme Booking) mais 2 intermédiaires entre le transporteur et le client destinataire (la plate-forme et le magasin).

Les modèles les plus connus sont Colisweb, Deliver.ee, Myboxman, mais aussi Stuart, Seven Senders, Deliveroo, Foodora, Zeloce, …

D’autres modèles, totalement collaboratifs, comme You2you, Cocolis, Yper ou Shopopop, s’inscrivent dans l’économie du crowdsourcing.

Au-delà des modèles, souvent différents, orientés vers un segment de marché ou un territoire, se posent de nombreuses questions.

Le premier sujet est réglementaire, avec deux facettes différentes de cette réglementation.

La profession du transport de marchandises en réglementée. Si le véhicule utilisé (notamment les moins de 3,5 t) est motorisé, le transporteur doit détenir une attestation de capacité de transport léger de marchandises. Cela pose le problème des particuliers qui interviennent sur des activités de transport de biens au travers de ces plates-formes, souvent avec leur voiture personnelle. Cela pose aussi le problème des transports effectués à scooter, de plus en plus fréquents.

Si la livraison est effectuée à pied, en transports en communs ou en vélo, cela ne pose pas de problème particulier. L’assistance électrique est assimilée au vélo jusqu’à 250 w. La livraison à vélo s’est d’ailleurs beaucoup développée de ce fait par les plates-formes de repas, accessoirement pour des raisons environnementales.

Force est de constater que, malgré les règles mises en place par les plates-formes, environ 15% des transports réalisés par les plates-formes du dernier kilomètre sont réalisées à scooter, très souvent sans attestation de capacité et sur initiative personnelle du livreur.

D’autre part, la profession s’insurge contre le développement de transports en VUL, souvent immatriculés dans un autre pays, sans attestation de capacité.

Le second volet réglementaire est celui du commissionnaire de transport. Nombre de plates-formes estiment ne pas avoir besoin d’être commissionnaire. Elles jouent un rôle de mise en relation, comme dans d’autres secteurs, entre un donneur d’ordre et un client et prélèvent une commission pour ce service. Or le code des transports stipule que le commissionnaire organise et fait exécuter, sous sa responsabilité et sous son propre nom, un transport de marchandises pour le compte d’un commettant. De nombreuses plates-formes interviennent bien dans ce cadre.

La profession du transport là encore, s’inquiète de la dérive que constitue le modèle de plate-forme qui n’est pas toujours commissionnaire de transport.

Dans ce débat, le gouvernement prend souvent des positions  « molles » et contradictoires, au gré des débats et des groupes de pression. La mission sur les VUL, pilotée par le député Damien Pichereau, a tout simplement « oublié » d’auditionner les plates-formes, et d’ailleurs également les experts logistiques et l’Aslog. Les conclusions sont donc nécessairement partielles et orientées. La Ministre des Transports, met en avant, lors de Vivatech, une plate-forme collaborative de déménagement, au grand dam de la profession qui critique ouvertement ces modèles. Nous voyons là 2 positions totalement opposées.

Depuis plusieurs années, a contrario, nous constatons une absence quasi totale de contrôle qui laisse penser que l’enjeu que représente l’emploi de centaines de milliers de micro-entrepreneurs, avec souvent des situations précaires, prend le dessus sur les règles en place souvent anciennes.

Le second risque mis en avant par les professionnels est la propriété des données. Une plate-forme devient vite propriétaire de nombreuses données, qui peuvent alors être commercialisées et utilisées. Ainsi, Deliveroo devient propriétaire ou détient… le fichier de clients des restaurants affiliés. Quoi de plus simple alors que de créer ses propres cuisines et simplifier la chaîne logistique, au détriment des restaurateurs qui verront alors s’évaporer leurs clients. Mais cette clientèle existerait-elle sans Deliveroo ?

Les transporteurs sont à juste titre très inquiets du risque que représente ce transfert de propriété de données qui concernent les clients, les prix, les conditions d’un contrat commercial.

Un troisième risque est la tendance à la baisse des prix. Une plate-forme est un intermédiaire, qui certes apporte un volume d’activité, mais perçoit une marge souvent significative. Que reste-t-il au transporteur ? Les modèles low cost comme la livraison collaborative, l’emploi de micro-entrepreneurs, le transport « illégal » constituent autant d’opportunités de baisse de prix du transport. Les fédérations s’en inquiètent. On peut toutefois modérer ces messages par le fait qu’un commissionnaire est rarement gratuit et que le transporteur est depuis longtemps soumis à des pressions tarifaires.

Tous ces sujets montrent que le débat est plus que jamais ouvert et que les acteurs au plus haut niveau de l’Etat véhiculent des messages souvent très contradictoires. Le combat des start-ups contre l’économie réelle est alors engagé !

On a le droit, pour une fois, de ne pas être d’accord avec 80% des français. La réduction de la vitesse sur les routes est une bonne nouvelle. Bien sûr pour la mortalité sur la route mais surtout pour d’autres raisons qui ont malheureusement été omises dans la communication gouvernementale.

Tout d’abord, c’est une bonne nouvelle pour l’environnement. Les voitures particulières sont responsables d’une part importante des émissions de Gaz à Effet de Serre. Il est nécessaire d’agir vite si nous souhaitons espérer s’approcher des objectifs que nous avons signé lors de l’accord de Paris. Nous en sommes bien loin. Toute mesure allant dans ce sens ne peut alors qu’être une bonne nouvelle pour la planète. Nous ne le disons pas assez fort.

Mais la réduction de la vitesse aura d’autres impacts. L’étalement urbain est une cause de l’inefficacité de la logistique urbaine. Tous les 10 ans, nous « consommons » en urbanisation l’équivalent d’un département. Les centres-villes se vident de leurs activités, de leurs habitants et deviennent alors une cause nationale. L’étalement urbain est notamment lié à la facilité des transports. Toute contrainte, que ce soit le coût de l’essence, la limitation de vitesse, aura des effets sur le mode de vie. Habiter loin de son lieu de travail n’est pas toujours, comme on l’entend trop souvent, imposé par le coût de l’immobilier. Il s’agit souvent d’un choix individuel d’habitat pavillonnaire, loin des centres villes. Pendant des décennies, tout a été fait pour favoriser ce modèle : routes gratuites, essence bon marché, terrains abordables dans les périphéries lointaines, faciliter d’urbaniser les terres agricoles, peu de contraintes routières sauf les embouteillages.

Rendre la ville plus adaptée à notre siècle, c’est la densifier et freiner l’étalement urbain. C’est préserver les terres agricoles. C’est donc inciter les habitants à modifier leur mode de vie. Cela peut passer par des mesures fiscales pénalisant les périphéries au profit des centres villes. Cela peut passer par une essence plus chère, des péages. Réduire la vitesse est aussi un moyen d’inciter les habitants à adapter leur mode de vie à leur siècle.

L’étalement urbain est une des causes de l’inefficacité de la livraison des marchandises. Les agglomérations sont de plus en plus étalées, avec comme impact des tournées de livraisons de plus en plus longues. Recentrer la ville sur son centre et sa très proche périphérie est une nécessité. Réduire la vitesse permettra alors à nombre de personnes de se poser la question de la valeur du temps. Faut-il vivre plus loin pour quelques m² de plus ou se rapprocher des activités et vivre dans quelques m² de moins ? Ce sont des questions essentielles que se poseront bientôt nombre de personnes.

On peut alors souhaiter que le gouvernement continue sur cette lancée et adopte une mesure équivalente sur les autoroutes : 110 km/h serait une autre bonne mesure !