Les règles de gestion de l’espace public semblent parfois décalées par rapport aux pratiques et aux besoins évolutifs de la mobilité.

Dans les grandes villes, les livraisons sont souvent effectuées, pour les deux-tiers d’entre elles, en dehors de aires de livraison, donc en double file ou sur les trottoirs. Est-ce la faute aux transporteurs ou aux automobilistes qui occupent les places de façon illicite ? Sans occulter la réalité des cas particuliers, la cause principale est tout simplement le fait que les points de livraison correspondent de moins en moins aux places de livraison, pourtant définies de façon précise à partir de données réelles.

Par exemple, du fait du développement du e-commerce, toute la ville devient un territoire de livraison, pas uniquement les secteurs denses en commerces ou les ensembles tertiaires.

Il faudra donc revoir les règles de partage de l’espace afin que les livraisons puissent s’effectuer de façon plus fluide, sans perturber les autres occupants de l’espace public urbain.

Dans certaines villes, comme Barcelone, des voies font l’objet d’un partage temporel, une sorte de time sharing. Pendant certains créneaux, ces voies sont réservées aux livraisons, pendant d’autres créneaux aux autobus et taxis et à d’autres horaires au trafic général de voitures. Il s’agit là d’une bonne pratique à développer dans des secteurs denses.

D’autres formes d’utilisation partagée des aires de stationnement peuvent être mises en place à l’aide de capteurs et d’informations transmises sur les terminaux portables.

A Strasbourg, la ville réfléchit à la mise en place d’une Zone à Trafic Limité, qui permet, à l’aide de caméras et de l’utilisation du fichier des immatriculations, d’autoriser certains véhicules et pas d’autres. Il s’agit d’une initiative visant à mieux réguler l’usage de l’espace public.

Autre sujet qui apparaît de façon sensible dans les villes, les consignes de retrait de colis. Elles permettent de consolider les flux de livraison e-commerce et ainsi de réduire le nombre de points de livraison. Dans certains pays, ces consignes servent aussi à envoyer des colis. Ce sont donc en finalité moins de camions sur le territoire urbain. Mais pour installer des consignes, il faut un positionnement aisé afin de les alimenter (donc une aire de stationnement à proximité) et un accès facile pour les consommateurs. La situation idéale est par conséquent sur la voie publique, avec un accès 24h/24. Cette nouvelle forme de mobilier urbain, dont l’impact environnemental est positif, nécessite une forte coopération des villes, qui attribuent les droits d’utilisation de l’espace public. Au-delà de la prise de conscience, la mise en œuvre de plan local d’implantation des consignes constitue un enjeu de logistique urbaine pour les villes.

Dernier sujet qui apparaît, celui des flottes de véhicules en « free floating » : scooters, vélos, peut-être un jour des vélocargos… Les modèles de partage évoluent très rapidement et nécessitent une organisation plus souple de l’espace public. Gobee-bike, O-bike, Ofo, bientôt également Mobike et Pony Bikes… Le Velib aura à Paris plusieurs concurrents avec un modèle de fonctionnement plus souple, plus simple et très bon marché. L’apparition de ces nouveaux modèles qui permettront de faire rapidement évoluer la part de la mobilité à vélo dans les villes, n’est toutefois pas sans poser des problèmes.

Tout d’abord, ils posent probablement le problème de la différenciation en termes de qualité de service, avec les modèles existants tels le Velib. Le modèle du Velib devra nécessairement se réinventer, en termes de qualité de service et de prix.

D’autre part, ils doivent inciter les villes à accélérer la mise en place d’un partage plus équitable de l’espace. Les enjeux sont énormes, ce sont moins de voitures dans les villes et probablement moins de scooters ou motos. Les stationnements autorisés pour vélos sont souvent très petits et rares. Il est donc nécessaire de prévoir, quasiment dans chaque rue et à chaque carrefour, des places de stationnement vélo.

Un meilleur partage passe donc vers une place réduite de la voiture. Et surtout des stationnements en surface. Ce sont ces stationnements de voitures, totalement improductifs pour la ville, qui posent un problème majeur d’espace afin d’accueillir demain, plus de véhicules de livraison (propres bien entendu), plus de vélos, plus de consignes de retrait de colis.

La loi relative à la transition énergétique prévoit dans son article 40 une disposition qui incite la mise en œuvre de solutions permettant d’augmenter le taux de remplissage des véhicules de transport de marchandises.

Evidemment, les professionnels peuvent s’étonner de l’intérêt d’une loi pour inciter le transporteur à tout simplement faire son métier, qui consiste à optimiser ses moyens de transport.

Le sujet est en fait beaucoup plus large et complexe. Il touche à la réduction de la part la moins optimisée du transport, le transport effectué par des non-professionnels.

Il s’agit d’abord du transport effectué par les particuliers. Le déplacement effectué par un particulier qui va faire ses courses dans un hypermarché est moins productif que la livraison à domicile. En effet, le particulier va effectuer un trajet Aller/Retour spécifique, en général à vide à l’aller, et avec un coffre de voiture plein au retour. Un professionnel de la livraison à domicile va effectuer des livraisons en tournées, avec un parcours optimisé. L’occupation de la voirie et l’impact environnemental sera dans ce cas inférieur.

Mais la partie la plus problématique est liée au taux de professionnalisation. Une différence significative entre la France et l’Allemagne. En France, le nombre de Véhicules Utilitaires Légers (VUL) est 10 fois supérieur au nombre de véhicules Poids Lourds (PL). En Allemagne, ce ratio n’est que de 1 à 2. Les véhicules Poids Lourds sont plus gros, donc logiquement moins nombreux et utilisés prioritairement par des professionnels du transport ou des flottes internes (Compte Propre expéditeur). L’utilisation plus importante de véhicules de type porteur participe à une utilisation plus efficace de l’espace public.

La partie la moins optimisée de la logistique urbaine est le compte propre destinataire, l’artisan qui a son propre VUL. Il a, comme les particuliers lors de leurs achats au supermarché, un véhicule pas toujours bien occupé, roulant en partie à vide.

Un des enjeux de la Logistique Urbaine est par conséquent d’aider à une réduction de cette part du compte propre. Il s’agit là d’une tendance de fond. Le taux de professionnalisation a déjà augmenté lors des 10 ou 20 dernières années mais reste encore insuffisant dans de nombreux secteurs. Réduire le nombre de véhicules dans une agglomération passe nécessairement par la réduction de la part du compte propre destinataire.

Il serait donc judicieux que les aides à l’acquisition de véhicules propres profitent en priorité aux professionnels du transport et pas nécessairement aux artisans, dont le transport n’est pas le cœur de métier.

Une meilleure efficacité de la ville passe par une plus grande professionnalisation des flottes de véhicules, qui permettront alors d’en réduire le nombre, peut-être d’augmenter la taille de ces véhicules, en tout cas d’augmenter le taux de remplissage des camions. Certains pays, comme le Japon vont encore plus loin dans cette démarche en imposant un seuil minimum de nombre de véhicules pour un transporteur professionnel. Là encore, un transporteur qui a 10 véhicules parviendra à mieux optimiser ses tournées que s’il n’a qu’un seul véhicule.

Les premiers effets du dérèglement climatique impressionnent déjà par leurs conséquences. Multiplication des ouragans, incendies plus importants et plus tardifs, sécheresse, montée des eaux de 10 centimètres en 50 ans, records de chaleur…

 

La longue liste des effets du réchauffement climatique préfigure ce qui pourrait bientôt arriver. L’ONU nous prédit 250 millions de réfugiés climatiques en 2050, dans à peine plus de 30 ans. Les régions les plus touchées seront logiquement les îles, notamment celles du Pacifique.

Nous parlions il y a peu de temps encore du réchauffement climatique comme un sujet pour les générations futures. Il n’en est rien. Nous constatons dès maintenant les premiers effets dramatiques.

Dans quelques jours, l’accent sera mis sur les effets du réchauffement climatique sur les îles, au cours de la COP 23, organisée par les Iles Fidji, qui se tiendra à Bonn.

Le Programme des Nations Unies pour l’environnement nous alerte sur l’écart entre les engagements pris lors de l’Accord de Paris et la réalité. Les émissions des CO² se sont stabilisées, notamment grâce aux efforts effectués par la Chine. Mais nous sommes loin du compte si nous voulons respecter le niveau d’augmentation du climat de 2°, engagement de l’accord de Paris. Il est nécessaire, pas seulement de stabiliser, mais de réduire ces émissions de 11 milliards de tonnes d’ici 2030, sur un total actuel de 51,9 milliards de tonnes.

Ceci alors que la population mondiale continue de croître, notamment en Asie et en Afrique.

Si rien n’est effectué de plus, la croissance des températures par rapport au début de l’ère industrielle sera supérieure à 3°, avec des effets catastrophiques.

De façon surprenante, les bons élèves sont le Brésil, la Chine et l’Inde. Les Etats-Unis, le Canada, l’Union Européenne et le Japon ne respectent pas les engagements pris. En France, comme le montre le graphique ci-dessous, les émissions de CO² ne diminuent pas sensiblement. Si globalement, les émissions de CO² entre 1990 et 2016 ont diminué en France de 394 à 333 Mt, cette diminution est essentiellement due à l’industrie manufacturière, probablement du fait de la délocalisation.

source CITEPA

Le CITEPA classe les secteurs les plus générateurs d’émissions de CO² en France. 16% des émissions proviennent des voitures particulières. 15,1% des émissions de CO² sont générées par le transport de marchandises, pour moitié par les véhicules PL et pour moitié par les Véhicules Utilitaires, qui évoluent majoritairement en ville.

Les enjeux sont de taille si, pour la part qui concerne la livraison de marchandises en ville, nous souhaitons respecter cet engagement et réduire de 40% des émissions de CO² d’ici 2030 (engagement de la France dans le cadre de l’accord de Paris et de la loi de transition énergétique). Les efforts doivent être d’autant plus soutenus que les tendances de consommation nous prédisent un effet inverse : plus de flux fragmentés, développement des livraisons de colis liés au e-commerce, développement de flux retours, …

Nous avons connu dans de nombreux segments de la logistique urbaine une phase d’étude et une phase d’expérimentation. Nous devons maintenant sans tarder évoluer vers une phase de mise en œuvre opérationnelle de solutions, permettant d’aboutir à des résultats concrets.

Les assises nationales de la mobilité, qui permet de multiplier les échanges et propositions, est l’occasion de rappeler les bonnes pratiques et la responsabilité qui est la nôtre.

Pour la logistique urbaine, les solutions sont nombreuses, mais relativement bien connues : consolidation des flux, transfert énergétique, réglementation incitative, transfert modal, réorganisation des horaires de livraison, mutualisation avec les autres modes de transport (notamment transports de personnes), responsabilisation de tous les acteurs.

Les assises sont une bonne occasion, au moment de la COP 23, d’exposer les mesures concrètes permettant de réduire les émissions de GES liées au transport de marchandises. Nous ne parlons plus de l’avenir, nous parlons du présent !